L'Europe n'est pas seulement ce à quoi elle sert. A l'image d'une marque, dotée d'un logo, d'une devise, communicante et tendant à attirer des «clients», elle soulève également un champ d'évocation, des modes de représentation. Pour mieux comprendre la vision et la place que lui accordent les Européens, le groupe spécialiste de la création de marques Nomen a réalisé une étude auprès des Allemands, Britanniques, Français et Italiens.
Le constat tombe comme un couperet: la marque Europe n'existe pas uniformément. Polymorphe, elle évolue au gré des pays, si bien que les Européens ont du mal à se sentir citoyens européens. Si 71% d'entre eux en ont une image positive (79% chez les 18-44 ans), le sentiment d'appartenance à une citoyenneté transnationale est minime: seul un Français sur dix se sent davantage européen que français.
Robin Poncet, responsable des études chez Nomen, souligne: «Nous remarquons que les pays dégagent tous des visions différentes quant aux secteurs clés et prioritaires pour l'Europe. Elles dépendent clairement de la culture et des analyses médiatiques à l'œuvre localement lorsque l'on parle de puissance ou de compétitivité.» Sophie Gay, directrice de Nomen France, poursuit en expliquant que les Européens ont un problème d'identification à l'UE.
Sa devise, «Unis dans la diversité», n'est connue que de 12% des Européens et, dans certains pays, le drapeau lui-même est méconnu: 40% des Britanniques ne le connaissent pas. «Pour actionner les leviers du développement de la citoyenneté, il faut créer quelque chose de fort, de symbolique, qui puisse être un vrai vecteur d'identification», avance Sophie Gay, en évoquant l'importance de susciter l'émotion via des évènements symboliques, tels que des délégations européennes lors d'évènements sportifs majeurs.
Attente
A la veille des élections européennes, il apparaît que cette identité de second ordre couve un intérêt citoyen du même acabit. Selon une étude LH2-Le Nouvel Observateur du 16 mai, 74% des Français estiment que ces élections ne changeront rien à la situation actuelle de la France.
Une étude Harris Interactive-LCP du 13 mai détaille: seulement 5% des Français attribuent un rôle positif à l'UE en matière d'emploi, 63% pensent que l'UE n'agit pas contre le chômage, 54% estiment que les impacts sur le développement de l'économie française sont nuls et 52% déplorent l'inaction de l'UE à la construction d'un modèle social européen.
Toutefois, cette étude révèle un paradoxe: bien que l'on s'attende à un taux d'abstention record, 60% des Français se déclarent prêts à «rendre le vote aux élections européennes obligatoire». Une dissonance cognitive qui tend à démontrer qu'il existe une attente latente des Européens, qui veulent avoir les moyens de s'intéresser à l'Europe.