Tribune
En permettant à l'humour de s'exprimer dans leurs publicités, certaines marques financent sans le savoir cette grande entreprise du rire qui profite à tous : aux auteurs, au public et aux marques elles-mêmes.

Est-ce que l’humour fait vendre ? Et surtout, pourquoi les marques s'intéressent-elles donc à l’humour ? Je ne suis pas le seul à me le demander : Alfred Duler, le directeur marketing de Madone dans 99 francs, se pose lui aussi la question. On pourrait dire que c’est pour attirer la sympathie des consommateurs et se les mettre dans la poche, qu’ils vont mieux mémoriser le message et se l’approprier.

Mais est-ce vraiment cela ? Ne faut-il pas plutôt se demander qui décide d’être drôle ? Est-ce que ce sont les marques ? Celles-ci sont rarement rigolotes de manière intrinsèque. Une banque, ce n’est pas marrant. Un restaurant ou un fabricant de yaourt non plus. Mis à part les marques de farces et attrapes, et Elon Musk, les marques ne sont essentiellement drôles que via leur communication. Et qui fabrique leur communication ? Bien souvent, ce ne sont pas les marques elles-mêmes, ce sont des gens de l’extérieur. Des gens qui leur prêtent leur sens de l’humour.

Quand Burger King décide de faire un tweet marrant, est-ce le fait de Burger King ? Ou bien, est-ce l’intention d’une personne dans un bureau qui avait l’envie irrépressible de faire marrer tout le monde ? Et pourquoi cette personne a fait cette blague ? Alors oui, c’est son boulot, c’est dans son contrat de répondre au brief. Mais pourquoi faire une vanne ? N’y avait-il pas mille autres façons de répondre à ce brief ?

Cette personne s’est-elle dit « je vais pondre une vanne bien marrante parce que je suis sûr que ça va permettre de vendre des tonnes de sandwiches » ? Pas sûr. Elle n’est ni PDG ni actionnaire de la marque. Je ne suis pas persuadé que ce qui anime l’auteur d’une pub rigolote soit exclusivement la vente des produits de son client. Mais alors qu’est-ce que c’est ? Est-ce pour créer du lien social imaginaire avec les millions d’inconnus qui regarderont cette pub ? Est-ce juste pour se faire marrer soi-même ?

Pure générosité

L’auteur d’un trait d’humour est par essence son premier public. Et quand une vanne est bonne, on a envie de la partager. Ça tombe bien, le rire est contagieux. C’est donc par pure générosité. L’auteur de cette blague pourrait se contenter de la garder pour lui mais il ou elle fait le choix de la glisser dans une publicité pour que tout le monde puisse en profiter. C’est beau, je trouve. Mais ce qui est encore plus beau, c’est que les marques sont d’autant plus généreuses qu’elles offrent une tribune géante à tout cela. Oui, c’est un peu comme si la pub était le théâtre de milliers d’humoristes qui n’ont pas pu faire carrière sur les planches. Les marques sont un peu les mécènes de ces blagueurs du quotidien. Et c’est tout à leur honneur.

Sans le savoir, les marques financent cette grande entreprise du rire qui est le fait de petites mains. Il faut les remercier et les encourager parce qu’elles y mettent très souvent les moyens. Skittles, c’est le nouveau Louis XIV qui invite ces artisans de l’humour à la cour de son Super Bowl.

Donc pourquoi l’humour dans la pub ? Peut-être parce qu’il profite simplement à tous. Aux auteurs, aux marques, et bien sûr au public. Les gens sont des humains avant d’être des consommateurs. Et l’être humain a envie de rire. Parce que rire, ça fait du bien, c’est physiologique. Ça rend le monde meilleur. Pourquoi se contenter d’un spectacle de stand-up ou d’une rediffusion des Bronzés pour rigoler alors qu’il suffit de s’abonner au compte Twitter de Burger King ou de ne pas aller faire pipi pendant la coupure pub ? Acheter un Snickers, ça fait du bien, mais se fendre la poire parce que quelqu’un a eu l’idée de remplacer un ninja par Mister Bean dans une pub Snickers, ça en fait encore plus.

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