Tous les dirigeants en quête d’un processus de transformation peuvent s'inspirer des enseignements de la Convention des entreprises pour le climat, qui vient de s’achever. Parmi eux, la pédagogie, la transparence et le réalisme.
La Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) vient de s’achever. 150 dirigeants se sont réunis pendant un an pour travailler et partager leur feuille de route. Avec un objectif ambitieux : s’aligner sur le «green deal» européen. La CEC était portée par une conviction singulière : c’est la transformation profonde du dirigeant qui permettra d’embarquer équipes et actionnaires, et infléchir significativement le modèle économique. L’ampleur de la bascule à faire, le renoncement aux croyances et habitudes, la force des résistances rencontrées nécessitent en effet un nouveau type de leadership empreint de courage, d’humanisme, de sincérité, le clarté et d’optimisme réaliste.
Le chemin suivi par la CEC peut inspirer tous les dirigeants en quête d’un processus de transformation inspirant. Celui-ci passe d’abord par faire le douloureux constat. Aidés des meilleurs experts (Valérie Masson Delmotte, Jean-Pierre Goux, etc), les 150 dirigeants ont plongé dans l’ampleur et la complexité de la crise. Prendre un vrai temps pour la pédagogie est clé (12 jours pour la CEC !). Puis continuer à s’informer, sans relâche, pour être en capacité à transmettre, expliquer. Pour ceux qui n’ont pas suivi la CEC, une Fresque du climat pourrait être un bon début.
Vient ensuite la nécessité d'admettre ses émotions et d'ouvrir son coeur. Intégrer que notre survie est menacée, reconnaître que chacun a une part de responsabilité, contacter sa vulnérabilité, la peur, le découragement peut-être. La fête est finie : c’est un deuil. Le processus du U (où on commence par plonger) est inévitable pour intégrer la gravité du problème, puis trouver l’énergie et une forme de radicalité, pour remonter et sortir de l’absurdité. Un mot clé, l’humilité : admettre (personnellement et vis à vis des équipes et actionnaires) ce qu’on sait et ne sait pas, qu’on ne peut tout planifier, qu’on n’a pas encore trouvé le modèle de l’entreprise à dix ans. Avec ce paradoxe : le dirigeant est un partie du problème et de la solution.
Savoir renoncer et être réaliste
D'où la nécessité d'oser la transparence. Savoir renoncer aussi : à son ancien modèle, à une activité, à certains produits, forcément à certains revenus. Être réaliste : c’est la fin des petits pas et du « en même temps ». Les crises sont aussi des opportunités de construire un monde nouveau, de changer de logiciel (comment travaille-t-on un plan sans croissance ?), de simplifier la décision, d’agir vite - ce qui calme l’angoisse. Des solutions de court terme sont possibles : formations intenses et obligatoires, faire des bilans carbone semestriels, une review des clients les plus polluants, intégrer le directeur RSE ou du développement durable au Comex, avoir des variables corrélés aux performances écologiques, etc.
Autre nécessité, impliquer le collectif en acceptant l’itération – et donc les erreurs, co-construire les solutions, communiquer. Le collectif inclut idéalement clients, fournisseurs, parties prenantes et même concurrents, car les solutions sont souvent systémiques. Pendre soin du collectif aussi : ses peurs, peut être sa colère contre le dirigeant et certaines incohérences, l’inévitable surcharge travail.
Tout cela implique un important travail sur soi de la part du leader : coaching, développement des soft skills, gestion des émotions, accepter de sortir de son conformisme ou ses cercles de réassurance… S’appuyer sur les autres est essentiel : alliance avec des pairs comme dans la CEC, participation à des groupes de codéveloppement, créer un solide noyau dur interne. Enfin, rester lucide : sur l’ampleur du chantier, sur l’inévitable décalage entre le déclaratif et l’action. Sur l’illusion du changement et la peur de changer qui seront toujours là…Donc ne jamais lâcher ce travail personnel et stratégique
En tous cas, les résultats sont là. Le sondage effectué sur l’état d’esprit des dirigeants avant et après ces 12 mois est éloquent : colère, anxiété ou découragement sont passés d’environ 50% à moins de 10%, tandis que «l’énergie à faire bouger les choses au-delà de mon entreprise» et la «détermination et courage» ont approché les 80% à la fin du parcours. De très nombreuses initiatives, dont des CEC régionales, sont en train de se lancer. Alors allons-y : le futur reste, par définition, entre nos mains.