L’agence de communication a disparu du radar des modèles d’entreprise envisagés par nos jeunes diplômés. Constat amer, désagréable à entendre, sinon difficile à admettre, mais que révèle une étude que j’ai récemment décidé de mener auprès d’une diversité d’étudiants de la Sorbonne, de Sciences Po et de l’Essec, avec l’aide de leurs Junior-Entreprises.
Ce qu'il en résulte ? L’agence n’est la plupart du temps qu’un épais brouillard : 48% d’entre eux n’en ont aucune image. Et lorsque qu'elle existe, elle ne répond pas à l’attente prioritaire de ces jeunes diplômés. Ainsi, alors que le sentiment d’utilité dans son travail et la quête de sens s’imposent comme les premières attentes pour plus de 40% des étudiants, ils sont seulement 12% à considérer la communication comme un métier utile et 5% à envisager d’intégrer une agence de communication. Ces chiffres alarmants témoignent de l’immense décalage entre la richesse de nos métiers et l’intérêt, ou plutôt l’absence d’intérêt, dont ils sont l’objet.
À l’évidence, nous n’avons pas su montrer, expliquer, faire découvrir à quel point l’agence est un modèle d’entreprise enthousiasmant. Il nous faut l’admettre, nous avons oublié de prendre le temps et la peine de s’adresser aux plus jeunes, dans toute leur diversité, pour faire la pédagogie de la diversité de nos métiers, de la valeur de nos actions, et de l’exigence de nos métiers stratégiques et créatifs.
Au lieu de cela, nous nous sommes satisfaits d’un entre-soi entre communicants. Nous avons négligé le fait qu’une légitimité se construit aussi sur la scène publique et que nous avons, de fait, fragilisé nos agences au profit des cabinets de conseil et des annonceurs, les premiers s’arrogeant la stratégie d’entreprise, les seconds la communication dans toutes ses dimensions.
Petit à petit, nous sommes devenus au mieux invisibles, au pire adjuvants, promoteurs, voire responsables d’une société de consommation dépassée dont il est urgent de repenser en profondeur ses fondements. Mais nulle cause n’est désespérée. Cette situation préoccupante a l’immense mérite de nous inciter à un sursaut aussi nécessaire que salutaire.
Les arguments ne manquent pas
Cela passera d’abord, et avant tout, par le fait de nous astreindre à un effort massif de pédagogie sur l’intérêt de notre métier. Et les arguments qui fondent la valeur et l’utilité des agences ne manquent pas. Quels métiers permettent de faire évoluer les mentalités dans le sens d’un développement plus soutenable et plus durable ? Combien d’autres œuvrent à porter les couleurs de grandes causes aussi bien qu'à développer des richesses, des innovations et des emplois ? Dans quelles structures peut-on envisager d’apporter une valeur ajoutée sur une telle diversité de problématiques, avec une si grande pluralité de talents ?
Oui, l’agence de communication fait parfois mieux qu’un organisme de recherche qui s’en tient au monde des idées ; mieux qu’un think tank dont l’objet se limite à influer sur les décisions publiques ; mieux qu’une entreprise qui, quelle qu’elle soit, est cantonnée à sa sphère d’action ; et mieux qu’un cabinet de conseil dont le métier concerne avant tout l’univers du chiffre et de la rationalité quand l’agence ambitionne d’aborder les rivages moins rassurants mais plus enivrants de l’image, des mots et de la créativité.
Les jeunes sont prêts à entendre ce discours. Encore faut-il le tenir, nous tous, dirigeants et acteurs de la communication, aux plus jeunes, aux moments décisifs qui fondent leurs choix d’orientation, pour leur donner envie de se former à nos métiers, et à des profils beaucoup plus diversifiés, pour nourrir les agences de la richesse de notre société. La bonne nouvelle, c'est que cela ne tient qu'à nous.