Le sujet n’est pas nouveau. Mercedes Erra en avait fait le cœur d’un discours fort en juillet 2019 lors de l’événement Le Pouvoir des marques. Depuis, la parole commence à se libérer via les collaborateurs d’agence eux-mêmes (#balancetonannonceur), mais c’est la première fois que je le lis en couverture de Stratégies [le 11 mars, Stratégies faisait sa une sur les relations agences-annonceurs, sous le titre « Quand le client devient tyran »]. Est-ce le signe annonciateur du changement ? Espérons-le, tant il est temps d’équilibrer le rapport de force entre clients et agences. Il en va de la santé humaine et financière de ces dernières. Baisse des honoraires, création jetable, délais toujours plus serrés, pression psychologique, non-rémunération de l’idée… : les constats semblent clairs, mais en situation de crise, interrogeons-nous sur les solutions.
Nous attendons beaucoup des États généraux de la communication pour, entre autres, encadrer les mauvaises conduites et redéfinir la relation annonceurs-agences. L’action collective est importante mais pour avancer plus vite, c’est au sein de chaque agence qu’il faut agir. Dire non, négocier des délais ou réagir au premier haussement de ton sont du devoir de chaque dirigeant. Pas facile au quotidien. C'est pourtant salvateur pour l’avenir de la relation, la pérennité et le bien-être des équipes. On considère rarement quelqu’un de soumis. Alors raison de plus pour ne pas laisser s’installer de mauvaises habitudes, tout en créant les conditions de réussite de relations harmonieuses résidant souvent autour de deux points clés.
D'abord le partage d'une même culture d’entreprise. Nous avons la chance d’être dans un métier où les relations peuvent durer longtemps, même si le mode projet tend à prendre de l’importance. Cela crée de vrais « couples » et, comme dans la vie conjugale, il faut s’être choisis, se désirer, se respecter, se parler, se réinventer… Partager les mêmes valeurs, la même vision du monde, la même culture est fondamental. Et cela se sent souvent au premier rendez-vous. Il s’agit ensuite de créer les bons rituels et les conditions du dialogue, d’apprendre à s’écouter, car quand on sent qu’il y a un loup, c’est qu’il y a du non-dit, un signal faible. Et cette importance de la culture se révèle encore plus vraie aujourd’hui avec la quête de sens recherchée par tous dans ce monde en transformation.
Les fondamentaux qui « fâchent »
Il convient aussi de créer un espace de confiance réciproque. Respect et considération sont les valeurs cardinales de toute relation business saine. Cela implique d’avoir au préalable posé les fondamentaux qui « fâchent » : la rémunération et l’organisation. Transparence sur la rémunération, sur le business model de l’agence, sur le budget disponible côté client, clarification de la propriété intellectuelle... : une fois ces points clarifiés, l’espace est libéré pour que s’épanouisse une collaboration vertueuse.
Certes, le client paie et nous devons lui apporter de la valeur et du service. Mais à l’image de l’évolution des méthodes de management en entreprise, l’autoritarisme ne fonctionne plus : une agence ira au-delà de ce qu’elle est censée faire si elle est respectée, écoutée, si la collaboration est riche sur le fond, correcte sur la forme et si elle est justement rémunérée. Les relations équilibrées sont d’ailleurs celles qui produisent les meilleurs résultats, à la fois business et créatifs. Parce qu’on a plaisir à se voir, car chacun se sent considéré et respecté, car on peut se fâcher et trouver les solutions ensemble, y compris sur l’argent. Certains annonceurs l’ont bien compris et obtiennent beaucoup plus de leur agence grâce à des comportements vertueux n’excluant d’ailleurs pas une forte exigence de qualité. Une forme de business responsable.