Signe des incertitudes entourant l'avenir de Casino, les élus du personnel du distributeur ont lancé une procédure de «droit d'alerte économique» afin d'obtenir des éclaircissements sur la situation de l'entreprise, en difficultés financières.
Les organisations syndicales représentatives se sont mises d'accord « à l'unanimité » pour impulser une procédure de « droit d'alerte économique » qui traduit l'inquiétude des salariés et leur permet de demander à la direction des explications. Un expert a été mandaté dans ce cadre. Le distributeur emploie 200 000 personnes dans le monde, dont plus de 50 000 en France.
Les organisations syndicales ont « mandaté un expert pour aller sur un droit d'alerte économique », a indiqué lundi 12 juin Nathalie Devienne, de la première organisation du groupe, SNTA-FO.
Dans le cadre de cette procédure, « deux feuilles de questions ont été remises à la direction » de Distribution Casino France (DCF), l'entité où est logée l'activité de Casino en France. Ce, afin de connaître plus en détail la situation économique du distributeur d'origine stéphanoise. « Quand on aura les réponses de la direction, on déclenchera la procédure de droit d'alerte », indique encore Nathalie Devienne.
« On est obligé d'en passer par là pour déclencher un droit d'alerte éventuel », explique de son côté Jean-Luc Farfal, délégué de groupe pour la CFDT, préoccupé par « la dette » du distributeur, qui lui vaut d'être entré fin mai dans une procédure de renégociation, dite de conciliation, avec ses créanciers. Frédéric Buisson, de l'UNSA, a également confirmé le lancement de cette procédure.
« Lors de la réunion de CSEC, celui-ci a voté pour une expertise portant sur le projet de cessions de magasins » à Intermarchés, « qui pourrait déboucher sur un droit d'alerte mais à date cette procédure n'a pas été votée », a indiqué la direction de la communication des enseignes Casino.
De son côté, le patron du groupe Jean-Charles Naouri a adressé lundi une lettre aux salariés, dans laquelle il assure de sa « totale détermination pour surmonter cette épreuve et préserver les intérêts de Casino ». Le Comité social et économique central (CSEC) de Casino avait été convoqué lundi pour étudier la liste des magasins qui vont être cédés au concurrent Intermarché, troisième chaîne de supermarchés en France.
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57 magasins doivent être cédés d'ici la fin de l'année, dont 10 hypermarchés, selon des informations du média spécialisé LSA confirmées lundi par plusieurs sources. La liste peut toutefois être amenée à évoluer après examen de l'Autorité de la concurrence notamment.
Au total, 119 magasins, situés principalement hors des zones d'activité clé pour Casino (Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur) doivent être cédés puisque, outre les 57 évoqués plus haut, 62 devraient être cédés d'ici trois ans. L'opération est un motif d'inquiétude pour les représentants des salariés concernés par ce changement d'enseigne car chez Intermarché, la politique sociale dépend de chaque patron de magasins, l'enseigne étant un groupement d'indépendants. Cette cession de magasin n'est qu'un épisode d'un long feuilleton sur le devenir de Casino, qui intéresse l'ensemble du secteur et suscite l'intérêt de plusieurs prétendants.
Kretinsky vs Niel
Le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky s'est déjà positionné en proposant une augmentation de capital de quelque 750 millions d'euros qui ferait de lui le principal actionnaire de Casino. Cette offre, conditionnée à une réduction très importante du poids de la dette pesant sur le distributeur, est à l'étude dans le cadre de la procédure de conciliation.
En parallèle, Xavier Niel (Free), le banquier d'affaires Matthieu Pigasse et le spécialiste de la distribution Moez-Alexandre Zouari, ont décidé de créer un véhicule financier abondé à hauteur de 300 millions d'euros pour monter au capital de Casino. Ils appellent d'autres acteurs à se joindre à eux. Leur initiative fait suite à la décision du groupe agro-industriel InVivo et sa filiale Teract (que MM. Niel, Pigasse et Zouari avaient participé à cofonder) de mettre un terme à leur projet de rapprochement avec Casino.
« Le dossier Casino est devenu plus complexe: plus de dette, un recul sur les parts de marché », expliquait lundi sur BFM Business Thierry Blandinières, directeur général d'InVivo. Et selon lui, au-delà de la dette, il y a un autre sujet: « Est-ce que Casino va pouvoir repartir, relancer la machine ? »