Critiquées par les agences, les compétitions ont fait l’objet d’une étude menée par Opinionway pour l’AACC, laquelle démontre chiffres à l’appui leur dégradation et l’urgence de repenser l’exercice.

Qu’est-ce qui fait paradoxalement vivre et mourir les agences de communication ? Réponse : les compétitions. Longtemps considérée comme l’essence et le sel du métier, la pratique – laquelle consiste pour les marques à faire plancher simultanément plusieurs agences sur une même problématique afin de retenir la proposition jugée la plus pertinente – affiche des dérives qui menacent désormais tout le secteur. Pour en faire la démonstration et documenter le phénomène chiffres à l’appui, l’AACC (Association des agences conseils en communication) a missionné Opinionway pour scruter à la loupe les appels d’offres auxquels 40 de ses membres ont participé en 2023. « La question des compétitions, qui constitue un des enjeux majeurs de la relation agences-annonceurs, est loin d’être neuve », rappelle en préambule Caroline Fontaine, déléguée générale de l’AACC, quant à un mode opératoire de plus en plus critiqué par les agences dans leur ensemble, qu’elles soient indépendantes ou fassent partie d’un réseau. D’où l’intérêt de disposer de résultats concrets, au-delà du ressenti unanimement partagé sur le terrain. Et le constat est sans appel. Si le nombre de compétitions menées par les agences reste stable à périmètre constant vis-à-vis de 2021, « on observe une précarisation des relations marques-agences, un morcellement budgétaire et une dégradation dans la conduite des compétitions », synthétise la déléguée générale.

Des contrats pluriannuels minoritaires

Trois chiffres suffisent à illustrer les insomnies nocturnes des dirigeants d’agences : à peine un tiers (33%) des compétitions aboutissent à un contrat pluriannuel, les compétitions à moins de 500 000 euros représentant 60% du total, sans omettre un taux de succès tombé de 51% à 39% en deux ans. Pire encore : 15% des compétitions ne vont tout bonnement pas à leur terme. De quoi s’interroger sur le respect accordé au travail des créatifs et plus largement sur la légèreté de certains annonceurs, indépendamment des facteurs d’instabilité budgétaire. Autre chiffre significatif du fardeau que représente les compétitions : la part des coûts globaux des agences consacrée à l’exercice augmente encore pour atteindre désormais 13%, contre 10% en 2021. « Ce chiffre intenable dit tout de la situation. Il faut absolument le faire chuter », prône Caroline Fontaine, pour qui « ce ne sont pas tant les compétitions qui ont changé que ce qui en découle ». À savoir des contrats essentiellement court-termistes qui ne permettent plus aux agences de rentrer dans leurs frais. « Les compétitions nécessitent des investissements importants en termes de mobilisation des ressources et des équipes, en particulier le planning stratégique. L’étude met ainsi en exergue un coût moyen de 32 000 euros par participation à une compétition dont le budget est supérieur à 100 000 euros. Engager de tels moyens pour remporter éventuellement un contrat one-shot n’est pas du tout comparable avec le fait de remporter un contrat pluriannuel », développe la déléguée générale, pointant également les indemnités souvent symboliques accordées aux agences concurrentes. « C’est d’autant plus regrettable qu’une marque se construit dans le durée », ajoute-t-elle. Ces indicateurs, cumulés à des résultats encore fragiles concernant le respect des critères de compétitions – notamment l’identification des décisionnaires et la précision du budget –, conduisent de plus en plus fréquemment les agences à refuser de concourir aux appels d’offres. Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

La consultation pour alternative

Pas moins de 97% des agences sondées ont refusé au moins une compétition l’an passé et 40% plus de 10 compétitions. « Ces prises de position changent la donne car l’offre va s’assécher à terme », alerte Caroline Fontaine, pour qui la balle est désormais dans le camp des annonceurs. D’autant que d’autres manières de faire existent, comme sur les marchés américain ou britannique. « C’est pourquoi, l’AACC va désormais recommander le format de la consultation pour les marchés sans contrat pluriannuel. Ce principe, basé sur la rencontre des équipes, la présentation des travaux de l’agence, l’exposition d’un premier point de vue et qui est par ailleurs celui appliqué aux cabinets de conseil, doit devenir la norme si nous souhaitons maintenir la diversité et la richesse de l’offre créative en France. Il en va de la compétitivité et même de la survie de toute une industrie », conclut-elle.

Trois questions à Caroline Fontaine, déléguée générale de l’AACC

Comment expliquer le comportement des annonceurs ?

Les raisons sont nombreuses dans un environnement de plus en plus sensible aux crises et aux impératifs budgétaires. Mais s’il en fallait en retenir un, ce serait probablement la méconnaissance du travail des agences. Il existe aujourd’hui un processus d’achat où la prestation intellectuelle créative est encore trop souvent pensée de manière industrielle. Le côté magique de la création constitue un travail à part entière.

Comment faire comprendre aux marques les enjeux associés aux compétitions ?

Il y a un enjeu de pédagogie, raison pour laquelle l’AACC et l’Union des marques travaillent actuellement à l’actualisation du Guide de la relation agence-annonceur et de la charte La Belle compétition [qui régit les règles d’une compétition viable], notamment autour de la clarification du modèle économique des agences. Cette publication aura lieu à l’automne. En parallèle, l’AACC organise de puis deux ans une matinée consacrée au procurement afin de sensibiliser les annonceurs à ce sujet.

Quels enseignements en tire l’AACC ?

Face à la chute des contrats pluriannuels mise en lumière par l’étude et qui constitue à cet égard une tendance de fond, une solution s'impose. Elle est simple : la compétition doit devenir l’exception et non plus la règle.

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