Tribune
La relation de soumission imposée par certains annonceurs est un problème qui dure depuis bien trop longtemps. Un jour, le ras-le-bol deviendra incontrôlable.

Le retour de prises de parole de la part de patrons d'agences se plaignant de la relation de soumission imposée par certains annonceurs n'est en fait que le énième rebond d'une frustration ancienne. Cela fait plus de 20 ans que toute la profession partage le même constat en mordant sa chique face aux excès de certains annonceurs qui ignorent cyniquement les efforts, le respect, l'éthique et les bonnes pratiques promues par les associations professionnelles comme l'Union des marques, le Club des annonceurs...

Les Etats généraux de la communication, drivés d'une main de maîtresse en fer dans un gant de velours par Mercedes Erra, est sans doute la dernière chance de renouer une relation vertueuse entre les protagonistes en présence : les annonceurs (dont le retail est sans doute le plus désinhibé dans ses rapports avec ses «fournisseurs»), les médias et les agences. Or, il subsiste une forte probabilité qu'une fois encore, pour que tout change, rien ne change.

Sauf que l'époque a changé. Les agences (et les médias) jouent leur survie, les actionnaires, leur patrimoine, et les salariés, leurs emplois. Peu ont vraiment compris qu'après la saga des Gilets Jaunes, #balancetonagency et autres révoltes, la prochaine étape risque d'être beaucoup plus brutale - voire incontrôlable ? - de la part d'une profession acculée dos au gouffre. Qui pourra alors empêcher des professionnels aguerris ou jeunes, frustrés, d'utiliser les armes de leurs métiers pour créer un électrochoc au sein du marché en prenant l'opinion publique et les pouvoirs publics à témoin ?

Un lent suicide collectif

Quitte à être étouffés et privés de toute reconnaissance, personne aujourd'hui ne peut nier le risque de voir des médias et des agences faire grève pour se libérer d'un lien qu'ils vivent de plus en plus comme étant parfois de nature quasiment esclavagiste, se traduisant par burn-out, du harcèlement, des dépôts de bilan et du chômage. Et il y en aura bien qui auront alors l'idée d'organiser des dénonciations publiques sur les réseaux sociaux et les médias, des manifestations dans la rue devant des sièges sociaux d'entreprises, et des opérations de boycott à l'égard des annonceurs et distributeurs les plus suspects de méconduite.

Pour l'instant, tout se passe à fleurets mouchetés, tous croyant encore au modèle pacifique d'une ONU de la communication. Mais quand la langue de bois et les promesses non tenues auront révélé que le «roi est nu», alors, on risque de se retrouver face à une vague de contestations d'une nature et d'une ampleur inconnues jusqu'ici. Beaucoup vont sourire, voire ricaner, en lisant ces mots ; mais souvenons nous de Mai 68 et des Gilets Jaunes : personne ne les avait vu venir parce que personne ne voulait écouter. Les cadres moyens, les cadres supérieurs et les entrepreneurs de cette profession finiront bien par refuser un lent suicide collectif.

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