Les communicants savent mieux que quiconque que la pertinence de leur mission réside dans leur capacité à adresser leurs messages aux bons publics en respectant l’unité de temps et l’unité de lieu. Or, depuis bientôt un an, Covid oblige, le temps s’est dilaté et le lieu s’est rétréci. Nos publics ont chamboulé leurs habitudes, leurs attentes, leurs envies et donc leur rapport au temps et au lieu.
Ces derniers nous témoignent que les heures de gloire de la mondialisation semblent bel et bien derrière nous. Aux connexions virtuelles à l’autre bout du monde, ils préfèrent les «circuits courts» relationnels ; à la course effrénée aux kilomètres, ils privilégient le «slow motion». Ne pouvant plus circuler, ils ont appris à réinvestir leur territoire et leurs «autochtones», à les (re)découvrir et à les (ré)enchanter.
Animés par une volonté de faire vivre et d’écouter leur territoire, nos publics ne sont plus guère motivés ni mobilisés par des défis lointains, ils veulent se sentir concernés. Leur quête de sens bat au rythme du «ici et maintenant». Cette dynamique, qu’elle soit réversible ou non, les communicants doivent l’appréhender et l’accompagner, sans quoi leurs envies de grandeur risquent de finir en eau de boudin… local !
De Bill Gates à Jean-Pierre Pernaut
Selon une étude réalisée par YouGov pour Society en avril 2020, 87% des Français déclaraient vouloir voir la société changer après le premier confinement et 65% d’entre eux envisageaient de changer leurs habitudes. Au palmarès du changement, 58% affirmaient vouloir consommer plus local, 50% réduire leurs besoins et 42% se rapprocher de leurs proches.
Ces chiffres mettent clairement en lumière cet «inversement des pôles» de la mondialisation vers le localisme. La consommation des médias suit également cette tendance. Comment expliquer que le départ médiatique le plus marquant cette année ait été celui de Jean-Pierre Pernaut, ambassadeur de nos territoires ? Pourquoi, dans la même veine, le groupe audiovisuel Altice (BFM TV) vient-il d’annoncer l’acquisition de la chaîne de télévision Azur TV, renforçant ainsi les positions de BFM dans les régions, déjà présent avec quatre chaînes locales (BFM Paris, BFM Lyon, BFM Grand Lille, BFM Grand Littoral) ?
Pourquoi ? Car nos publics veulent qu’on leur raconte des «histoires» qui les touchent dans leur quotidien et dans leurs cercles. Ils souhaitent échanger avec des interlocuteurs accessibles et authentiques, soutenir des actions qui ont un impact tangible et immédiat. En somme, nos publics veulent être adressés avant tout comme des citoyens, engagés certes mais pas pour tout et pas tout le temps.
Sélectifs, ils le sont devenus dans leur consommation des médias. Cette envie de «terrain» s’est notamment traduite par un engouement exponentiel pour les podcasts. Ce format accessible à la demande nourrit le besoin de simplicité de nos audiences. Ainsi, près de 92 millions de podcasts ont été écoutés en décembre 2020, selon Médiamétrie. En tête des thématiques les plus écoutées, l’actualité et l’humour, suivies par la culture, le sport, le bien-être et la cuisine. Cela conforte cette recherche de bénéfices positifs immédiats plébiscités par les Français.
Les médias, co-promoteurs de ce tournant
Ce «recentrage» touche également les journalistes dans leurs démarches rédactionnelles. Depuis le premier confinement, les lignes éditoriales des médias ont bougé, laissant apparaître ici et là de nouvelles rubriques («leur raison d’être»), de nouveaux formats (podcasts), des suppléments thématiques (RSE, développement durable...). Cette adaptation sert la cause d’un mouvement vers un journalisme dit «à impact positif».
Au quotidien, les attachés de presse ont vu évoluer les demandes des journalistes. Ces derniers nous sollicitent pour recueillir des témoignages beaucoup plus «terre à terre» qu’avant : comment les collaborateurs vivent-ils le télétravail ? Que mettent en place les entreprises pour favoriser leur bien-être ? Quels sont les nouveaux outils collaboratifs mis à disposition pour faciliter la communication entre les équipes ? D’un point de vue plus macro, les médias veulent connaître les plans de relocalisation des entreprises françaises, leur stratégie RSE pour réduire leur impact environnemental et social, la réorientation de leur politique de recrutement…
Le made in France, la participation à une économie positive et la qualité de vie au travail sont en tête des sujets médiatiques prioritaires. Plus que jamais, les communicants doivent jouer le rôle de miroir vis-à-vis de leurs clients, faisant remonter aux entreprises ce qui vient du consommateur, aux politiques ce qui vient du citoyen.
Pour avoir une résonance auprès des publics, les messages doivent être reformulés et simplifiés. La confiance dans les médias ayant largement été érodée depuis des mois, les fake news faisant leur lit de cette défiance, la planche de salut semble résider dans une communication «brute», à savoir naturelle et sincère. Que les médias se tiennent prêts car, à présent, c’est au village d’irréductibles gaulois qu’ils s’adressent. Aux communicants, Panoramix modernes, de créer la subtile recette de la potion qui fera de leurs clients des champions de leurs territoires.