Malgré la crise qui frappe nos économies, le secteur du marketing d’influence connaît une croissance sans faille. Avec son développement exponentiel, cette pratique se polarise. D'un côté, nous assistons à un phénomène de «populisme de l’influence», porté par de nombreuses stars de télé-réalité dont les principaux mécanismes reposent sur le dropshipping, le partage de code promotion faussement avantageux, et les stories Snapchat ou Instagram à outrance. Cette approche très orientée business vise à engranger des bénéfices rapides et ad hoc. Il arrive d’ailleurs régulièrement que des entreprises soient créées uniquement pour la durée d’une campagne de dropshiping via de l’influence.
Il est donc cohérent que ce type d’influence soit largement favorisé par les entreprises à faible notoriété ne bénéficiant pas d’une image de marque premium et d’influenceurs à faible légitimité. En effet, ce marketing d’influence «populiste» fragilise à la fois l’image des influenceurs et des entreprises qui le proposent. Si la combinaison de la crise et la relative méconnaissance du grand public des mécanismes d’influence offre un terreau fertile au développement de ces stratégies, nous pouvons imaginer qu’elles s’éroderont avec le temps car elles sont trop coûteuses en image de marque.
De l'autre côté, nous constatons le développement d’un phénomène plus bénéfique pour la société, largement favorisé par la prise de conscience collective due à la crise sanitaire et au confinement : une approche éthique de l’influence. Ce mouvement initié par de nombreux influenceurs dès 2017 s’est largement amplifié en 2020, avec la libération des prises de paroles de leaders d’opinion pour le mouvement #BlackLivesMatter, l’urgence écologique ou encore le mois des fiertés par exemple. Désormais, un grand nombre d’influenceurs utilise leurs réseaux sociaux comme des outils pédagogiques afin d’éveiller leurs communautés à des problématiques sociales, sociétales ou environnementales qui leurs tiennent à cœur et tentent de promouvoir des entreprises qui défendent ces dernières. Ainsi, à travers les prises de parole des influenceurs, les marques militantes peuvent bénéficier plus facilement qu’auparavant d’une forte exposition sur les réseaux sociaux.
Adéquation aux valeurs
La notion de valeurs partagées entre la marque et l’influenceur est désormais centrale pour toute opération de marketing d’influence. Une étude menée par la plateforme de micro-influence Yoô, en partenariat avec l’Observatoire de l’influence, met en évidence que l’adéquation aux valeurs de la marque est le premier critère d’acceptation d’une campagne. Cette étude, qui repose sur un questionnaire administré à 2 238 influenceurs, indique que, pour accepter ou non une campagne, les nano et micro-influenceurs accordent 25% d’importance en plus aux valeurs portées par l’entreprise qu’en la dotation qu’elle propose.
Ce phénomène est à mettre en relation avec l’avènement de l’upcycling, de la mode éthique, des cosmétiques responsables sur les réseaux sociaux. Désormais, le produit n’est plus l’élément phare d’une stratégie d’influence, l’histoire à raconter autour de ce produit et de la marque devient tout aussi importante. Cette tendance devient donc majoritaire chez les nano et micro-influenceurs. Il est fort probable qu’une fois la crise et les difficultés économiques passées, les macro-influenceurs suivent également cette tendance et priorisent les valeurs d’une entreprise à la rémunération qu’elle propose.
Outre ce mouvement d’influence éthique porté par les influenceurs eux-mêmes, plusieurs agences spécialisées et annonceurs s’engagent dans cette direction responsable. L’agence Woô par exemple a coordonné le déploiement de la Charte d’éthique du marketing d’influence, qui compte déjà plus de 30 000 signataires, et de la Charte de la relation influenceurs, pilotée par le Syndicat du Conseil en relations publics (SCRP), soutenue par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Ces outils visent à réguler les pratiques des différentes parties prenantes du monde de l’influence (agences, annonceurs, influenceurs) pour pérenniser la profession et offrir davantage de transparence au consommateur. Au-delà de ces chartes, certaines agences comme So’Influence s’engagent à se spécialiser dans le marketing d’influence éthique.
Ainsi, en se polarisant vers des pratiques ultra court-termistes visant une rentabilité directe ou bien vers une approche éthique qui tente de produire un impact positif sur les différentes parties prenantes - la société et la planète -, les acteurs du secteur du marketing d’influence semblent être au bord du schisme. Avec l’essor du e-commerce et le recours croissant aux réseaux sociaux, il est acté que l’influence a de beaux jours devant elle. Il sera intéressant de continuer à étudier ces dynamiques dans une phase de croissance et de constater si les deux approches pourront continuer à cohabiter ou si l’une phagocytera l’autre.