Entreprise
Oui, la transformation des organisations se poursuit, constate Lecko dans son rapport annuel, mais toujours insuffisamment. Les risques se multiplient : la productivité ne parvient plus à progresser et surtout l’attention portée aux données secondaires reste dramatiquement négligée.

• LES GRANDES ENTREPRISES FONCENT… DANS LE BROUILLARD

Le rapport de Lecko constate que les entreprises du CAC40 continuent à évoluer mais la progression est hétérogène. Elles peinent à rendre lisible leur transformation digitale, à définir leur progression et à se positionner par rapport à un objectif ou se comparer à leurs alter ego. Ces entreprises ne se transforment pas dans leur globalité. Même au sein des entreprises intégrées, les actions de transformation entre les différentes parties prenantes (direction générale, métier, innovation, IT, RH, communication) sont disjointes, non articulées. « Le pilotage n’est pas très clair, résume Arnaud Rayrole, PDG de Lecko. Les investissements sont importants et pourtant elles ne se sont toujours pas dotées d’une méthodologie commune pour gérer leur transformation interne ni pour établir des benchmarks. Le cap est bien clair mais la méthode relève parfois de l’incantation. »



• LA TRANSFORMATION DOIT ÊTRE ENVISAGÉE SUR LE LONG TERME

Le rapport de Lecko rappelle fermement que la transformation digitale ne se limite pas à des outils mais engage une transformation profonde de l’organisation. « Il s’agit de repenser l’offre de l’entreprise et son modèle économique », estime Arnaud Rayrole. Si dans les grandes entreprises, la transformation digitale est souvent un sujet de conviction, elle reste malgré tout un sujet de longue haleine. Or pour maintenir la mobilisation, il faut procéder à des mesures objectives. C’est la seule façon de savoir si l’efficacité est au rendez-vous et aussi de tenir le pari sur la durée. « Au départ, il y a de la communication mais une fois cet effet dissipé, les entreprises vont devoir s’équiper d’outils pour évaluer les progrès réalisés, souligne Arnaud Rayrole. C’est d’autant plus crucial dans les grandes organisations où les changements demandent du temps. L’enjeu dont les entreprises doivent s’emparer, c’est l’industrialisation de la transformation. »



• ATTENTION : MODERNISER N’EST PAS TRANSFORMER !

Trop souvent encore, les entreprises confondent transformation et modernisation. Le rapport de Lecko constate que les entreprises introduisent régulièrement de nouveaux outils mais que les modes de travail ne varient pas d’un iota. Arnaud Rayrole appelle à sortir de ce faux-semblant : « Il faut sortir de la “transformation digitale washing” qui touche beaucoup d’entreprises. Nous avons besoin d’une prise de conscience pour amorcer le développement de nouvelles compétences, donner plus d’autonomie aux équipes. » Cette démarche est nécessairement plus difficile et incertaine alors qu’il est plus simple d’investir dans de nouveaux outils technologiques. Résultat : pour l’heure, beaucoup d’entreprises déploient des suites, de Google ou d’autres éditeurs, mais mais une minorité seulement de collaborateurs s’en emparent réellement pour organiser autrement le travail en équipe et remettre en cause le fonctionnement « historique ».

 

• LA PRODUCTIVITÉ DES OUTILS DIGITAUX PLAFONNE...

En dépit de la conviction, désormais généralisée, de la nécessité de la transformation, et de la diffusion toujours plus étendue de nouveaux outils, les gains de productivité… plafonnent. « La réunion est probablement le format de collaboration qui a été le plus impacté par le numérique », souligne le rapport, qui en déplore la « perte d’efficience catastrophique en grande partie due à l’inadaptation des pratiques au fil de l’introduction du numérique ». Le rapport cite une étude d’OpinionWay réalisée en 2017 selon laquelle 52% des salariés seulement considèrent les réunions comme productives et constate que cette « situation généralisée dans les entreprises illustre parfaitement les conséquences d’une transformation ratée qui s’est réduite à une modernisation ». Cette inflation a un effet pervers qui ne fait qu’aggraver la situation, précise Arnaud Rayrole : « Avec l’augmentation du nombre de réunions, le temps de préparation se réduit ce qui vient encore impacter leur productivité. » Et pousse à organiser de nouvelles réunions…

 

• DONNÉES SECONDAIRES, L’ENJEU DU FUTUR

Avant le cloud, les interactions entre les collaborateurs, les documents, les lieux, etc, restaient dans l’entreprise qui au demeurant ne s’y intéressaient guère. Avec les applications dans le cloud, ces mêmes interactions deviennent des « données secondaires » dont les fournisseurs de « suites » font leur miel, explique Arnaud Rayrole : « Ils connaissent le fonctionnement de l’entreprise dans les moindres détails. Au bout du compte, pouvoir analyser ces données secondaires à grande échelle permet de proposer du conseil. » LinkedIn contribue ainsi à la politique emploi de la région Hauts-de-France, Waze à la gestion de la circulation de Versailles. Dans les entreprises, les utilisateurs des suites Google ou Microsoft se voient par exemple proposer des listes de mails urgents auxquels il conviendrait de répondre ou même des réponses déjà formalisées aux mails en souffrance. « Cela rend service mais cela oriente aussi les choix de l’organisation », prévient Arnaud Rayrole. L’enjeu est loin d’être d’anecdotique. Ces données secondaires sont en effet la propriété des fournisseurs de suite, Google et consorts, et non des entreprises qui utilisent ces outils. À terme se profile une configuration où les entreprises se verront proposer des conseils toujours plus affinés susceptibles de leur faire gagner en productivité. Une part essentielle de leur capacité de décision sera donc aux mains d’acteurs totalement indépendants sur lesquels elles n’auront aucune prise, à l’exception des plus puissantes. « L’enjeu pour les entreprises est de récupérer leur souveraineté en collectant et en analysant elles-mêmes ces données secondaires », souligne Arnaud Rayrole.

Avis d'expert

« Refermons les laptops durant les réunions »

Arnaud Rayrole, PDG de Lecko

« En réalité, aujourd’hui, les réunions sont le plus souvent des moments de coordination car les collaborateurs sont mobilisés sur tant de sujets différents qu’ils doivent se voir pour partager un peu d’information. Il faut prendre conscience de la situation sinon le stress va augmenter. Chez Lecko, nous estimons que la data va pouvoir aider à cette prise de conscience. Après avoir observé la progression du nombre des échanges électroniques durant les comités opérationnels, nous avons donc décidé de refermer les laptops durant les réunions. Cela permet de se focaliser sur les points importants. »

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