Tribune
Faire la démonstration de la dimension incontournable des médias sociaux dans les pratiques marketing en général et les relations publics en particulier n'est plus exactement l'enjeu en 2014. Tribune d'Eric Maillard, directeur général d'Ogilvy Public Relations.

La prise de conscience sur les réseaux sociaux est-elle généralisée? Oui. Les organisations se sont-elles enfin alignées? Presque. Pour ceux qui militent pour la prise en considération de ces «nouveaux médias» depuis leur émergence en 2005 et leur explosion à la fin des années 2000, la lumière au bout du tunnel n'a jamais été aussi proche. La structure actuelle du marché – aux contours de plus en plus flous – des agences affichant un savoir-faire en RP résulte pourtant d'une situation historique plus que d'une vision prospective. Une situation qui peut légitimement faire redouter l'entrée dans un nouveau tunnel pour les années qui viennent.

A l'origine, l'impact des médias sociaux a percuté très tôt la discipline RP en s'intéressant principalement à la relation avec la frange influente des blogueurs, en profitant de nouvelles caisses de résonance au bénéfice des marques ou en mesurant la dimension explosive de ces espaces de conversations lors de situations de crise. Aux côtés des experts en relations presse, qui continuent encore aujourd'hui à porter la dynamique de la plupart des agences de RP, sont apparus des spécialistes en médias sociaux qui ont fini par se coordonner au service des enjeux d'influence globale. La gestion des communautés ignore rarement les systèmes relationnels en place avec les leaders d'opinion, les stratégies de contenus finissent la plupart du temps par se rejoindre, en général au prix d'efforts de coordination qui pèsent sur les organisations.

Mais en 2014, il est temps de dépasser la simple coordination, aussi qualitative soit-elle, pour activer une réelle intégration des expertises. Plutôt que d'opérer les stratégies en relation médias traditionnels d'un côté et en médias sociaux de l'autre, même si elles ont été pensées de façon conjointe, il s'agit aujourd'hui de prendre pleine conscience de l'impact de l'un sur l'autre pour structurer son organisation en fonction. Dans la vraie vie, les journalistes, qui mesurent le poids des médias sociaux sur leur quotidien*, veillent les sujets d'intérêt sur Twitter, les internautes se nourrissent des articles dans les médias pour réagir, des contributeurs non journalistes nourrissent les plateformes online de grands médias, les événements presse sont mesurés à l'aune de leur visibilité en temps réel avec le hashtag associé, les décideurs passent à l'action face à des mouvements significatifs sur Facebook. Et la réputation se mesure à la tonalité de la première page de résultats Google qui, à elle seule, raconte parfaitement la façon dont s'entremêlent tous types de médias.

L'intégration stratégique doit trouver son écho tout au long de la chaîne, jusqu'au pilotage opérationnel au quotidien. S'appuyer sur des équipes qui ne maîtrisent qu'une brique des expertises nécessaires à la compréhension, et surtout la maîtrise des enjeux d'influence, est désormais plus que limitatif. Et la trace laissée n'est pas anecdotique: l'empreinte sur le web de la plupart des marques souffre au mieux d'un manque de lisibilité, quand elles réussissent à éviter les postures contradictoires.

Le challenge est multi-facette. Le fait que les annonceurs imposent par leur organisation un traitement séparé des relations avec les sphères formelles et conversationnelles n'en est pas la cause mais le symptôme.

Du côté des acteurs du marché, des agences continuent à séduire avec une spécialisation en bureau de presse pendant que d'autres ont émergé sur le territoire de la relation avec les internautes, des agences créatives ont su démontrer le rôle central de l'idée en délaissant la dimension stratégique de la relation, les entités RP de grands groupes sont au mieux transversalisées, au pire en concurrence interne. Du côté des ressources impliquées dans le déploiement quotidien des activités, les plus jeunes talents sont attirés par la modernité des médias sociaux qu'ils pratiquent au quotidien, en oubliant trop souvent le rôle structurant de la pratique des médias traditionnels. Trop de CV reçus quotidiennement se positionnent sur la gestion des communautés digitales ou des affaires publiques en se détournant volontairement des relations médias.

Il est temps de proposer aux marques une modernité qui passe par des savoir-faire réellement intégrés, sans ligne de démarcation factice entre deux mondes voués à interagir toujours plus.

La question centrale restera sans doute pour les mois qui viennent: «Que doit-on mettre au centre de l'intégration?» Une réponse colorée de «datas» ou de «contenus» est sans doute celle qui sera vécue comme la plus moderne. Nous sommes probablement quelques-uns à penser que la modernité passera aussi par l'intégration autour de «la gestion de la réputation par l'influence».

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