Tribune
Si Apple présente d'excellents produits, Pascal Malotti, directeur-conseil de Valtech, rappelle que la marque doit faire face à d'autres défis.

Apple sait pertinemment que la Table des Lois édictée par Saint Steve n'a pas changé: le succès futur de la marque et sa rentabilité vertigineuse continueront de dépendre de produits qui font rêver le commun des mortels et qui fonctionnent parfaitement. Cependant, la marque travaille dur pour construire un contexte global de réussite durable sur l'ensemble des sujets dans son chemin critique…

 

J'ai pu m'en rendre compte récemment alors que l'Iphone de mon fils aîné possédait un problème de fonctionnement du bouton supérieur. Eh oui, un adolescent peut parfois mettre à rude épreuve un produit de «sur-qualité», un Iphone 5 vieux de deux ans et ne bénéficiant pas d'une garantie universelle de l'Apple Care. Le CRM d'Apple a vite détecté que j'étais une «cash machine» de la marque et la réparation a été prise en charge par Apple sans coup férir alors que le montant de cette dernière s'élevait à 207 euros. Le téléphone a été réparé dans les quatre jours.

 

C'est aussi une marque qui ne peut pas se contenter de sortir de beaux produits, mais qui doit garantir un service sans faille: il faut ici louer la patte de Tim Cook. La marque a ainsi construit un «framework» global de marketing technologique qui tente de préserver son ADN de marque tout en s'adaptant au monde qui change: un modèle technologique fermé, mais ouvert à sa communauté de développeurs fidèles; un modèle marketing implacable dans sa capacité à générer des revenus croissants, mais attentif à la sensibilité de plus en plus exacerbée de consommateurs en quête de sens dans leurs actes d'achat.

 

Cette marque reste unique dans l'histoire de l'humanité de par la trajectoire de son fondateur! Mourir à cinquante-six ans alors que son projet est au sommet de la gloire, avec une capitalisation boursière la plus importante au monde, est créateur de mythe. Je n'ai d'intimité aussi forte avec aucune autre marque qui traverse durablement le quotidien de mon existence. Cette marque sait ne jamais rien rendre banale dans ma vie et c'est quelque chose qu'il est difficile d'expliquer à une personne qui ne le vit pas.

 

Cependant, les écueils sont toujours à redouter dans un monde brutal pour les entreprises. Je ne fais bien évidemment pas référence à l'histoire des stars éclaboussées par les défaillances de l'Icloud, qui aura tout de même coûté quelques dollars au cours de Bourse et des compensations dont les montants seront toujours gardés secrets. Non, ceci n'est qu'un épiphénomène! Ces mésaventures devront permettre à chacun de comprendre qu'aucun système n'est parfaitement sécurisé et qu'un hacker prendra le temps de faire tomber une digue si ce dernier est un génie du code et que sa cible est devenue un défi personnel. Cela apprendra aussi à ces artistes qui jouent aux vierges effarouchées quand on parle de la violation de leur droit à la vie privée à ne pas attribuer à leur compte un mot de passe qu'un enfant de cinq ans pourrait deviner et à ne pas dévoiler ce que tout le monde rêve de voir!

Non, le succès est fragile.

 

Il impose de conserver les ingrédients initiaux de la «success story» en recréant intégralement un univers produit comme cela a été fait pour les ordinateurs, les téléphones mobiles ou les tablettes. Il s'agit aussi de poursuivre cette voie en exploitant l'ensemble des évolutions du digital rendues notamment possible par Apple, comme l'accès à l'internet mobile, le téléchargement de logiciels comme phénomène de masse ou l'accès massif à des plateformes de services (Itunes et ses 700 millions de cartes bancaires enregistrées ou plus). Apple a aussi appris à maîtriser l'activation et l'amplification de sa marque – notoriété et valeur business – sur les médias sociaux, facteurs de disruption de la publicité classique: une révolution pour une entreprise aussi éprise de la culture du secret.

 

Apple, comme ses ennemis intimes que sont Google, Facebook ou Amazon, a créé une plateforme technologique et de maîtrise de la donnée qui lui permet virtuellement de préempter n'importe quel secteur d'activité. Une société d'informatique devenue reine de l'électronique grand public, puis bousculant le monde des médias, deviendra-t-elle demain un acteur incontournable de la santé ou bien du secteur du luxe? L'avenir le dira, mais le savoir-faire technologique et marketing reste son moteur et la succession de Steve Jobs plutôt bien gérée: Apple possède le moyen et l'attractivité pour faire venir les meilleurs cerveaux du monde, si tant est que plusieurs cerveaux parviennent à combler l'absence de celui de Saint Steve.

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