La mode est intrinsèquement sociale. Le bouche-à-oreille est dans son ADN. Les blogueuses mode sont devenues des ambassadrices courtisées par des marques en quête d'influence. Parce qu'il n'y a rien de plus désirable qu'une paire de chaussures portée par une «vedette», les «modistas» sont devenues les nouveaux leviers d'achat. Leurs agoras sont sur les réseaux sociaux.
Le nouveau consommateur a entre 18 et 30 ans, il est «digital native», «multi-device», et passe son temps connecté. Il prend toutes les décisions liées à sa consommation sur Internet; surfe, compare et commente; il connaît les tendances émergentes et les marques du monde entier. Son monde ne s'arrête pas à la fermeture des magasins de son quartier, il est un citoyen mondial et, souvent, un spécialiste de ce qui lui plaît. Il a une présence digitale protéiforme, des comptes partout. Il y côtoie indifféremment ses amis et ses marques préférées, avec lesquelles il interagit.
Course à la présence sur les réseaux sociaux
Face à cette nouvelle génération de clients, certaines marques ne sont pas restées passives, et ont tôt fait d'essayer de fédérer des communautés de fans: en adaptant leurs stratégies marketing, elles se sont positionnées aux carrefours les plus évidents. Elles ont d'abord développé une page Facebook, puis ont tenté de socialiser leur site afin de permettre à leurs utilisateurs de partager leurs produits préférés avec leurs amis, développer des conversations, etc. Certaines marques ont choisi d'investir un réseau social plutôt qu'un autre, et en ont fait une arme commerciale massive, très influente et prescriptrice. (…)
Les responsables marketing des marques de mode et de luxe connaissent – j'espère – ces fondamentaux. Mais, globalement, ils ne sont pas arrivés à l'étape d'après. Certes, les réseaux sociaux permettent d'accroître la notoriété, de diffuser l'actualité produit du moment, d'engager des conversations, mais il faut aller plus loin.
C'est l'objet de la prise de conscience du moment: attention à ne pas subir les réseaux sociaux! On parle beaucoup de chute du «reach», des budgets d'«ads» toujours plus importants pour être visible sur les réseaux sociaux… Et beaucoup prennent peur. Les évolutions des règles (le fameux Edge Rank qui permet de décider si un fan verra un post ou pas) entretiennent par ailleurs les angoisses des professionnels, qui se demandent comment continuer à valoriser leur communauté si chèrement construite.
Plus encore que les autres, les marques de mode ont un contenu vertigineux à valoriser: des photographies des produits phares, les nouvelles saisons, des focus sur l'histoire de la marque ou les collections capsules. C'est un contenu précieux, pour lesquels se damneraient d'autres secteurs, moins faciles à faire «buzzer» sur ces réseaux sociaux.
Ce contenu est le nerf de la guerre sociale, puisqu'il est valorisable à loisir sur les réseaux sociaux, mais également sur le site des marques, afin de créer cette fameuse conversation avec les consommateurs et entre fans. Ces modules sociaux favoriseront la viralité et la prescription sociale, «killer application» qui fait passer le «social commerce» d'une promesse à une vraie opportunité.
Dépasser la course aux likes et aux fans
Le véritable enjeu est de dépasser la course aux «like» et aux fans. Les marques et ceux qui les conseillent devraient plutôt travailler la qualification des membres de leur communauté, la personnalisation du contenu et des conversations pour améliorer l'engagement, mais aussi pour apprendre à mieux connaître leurs clients et développer une véritable stratégie CRM sociale globale, et mettre en œuvre un véritable marketing affinitaire.
Les internautes veulent vivre des expériences en ligne mémorables, sur mesure, à travers un parcours client fluide et personnalisé, se voir proposer un contenu et des produits adaptés. A la simple page Facebook, il faut substituer une stratégie de social media. Créer du contenu de qualité adapté à chaque segment, afin de créer davantage d'engagement, de qualifier ses fans ou encore de développer les possibilités du «social login». Ainsi, les différentes communautés, visiteurs, clients, etc., pourront être connectées et animées de façon plus fine selon les enjeux business des marques.
Même si elles constituent le fer de lance de ce mouvement, les plateformes sociales ne doivent pas être les seules à s'approprier ces sujets: toutes les marques peuvent intégrer les dimensions client et social afin de proposer de nouvelles expériences d'achat de nouvelle génération. C'est un effort, certes, mais également une opportunité pour de nouvelles marques de se lancer, ou pour les marques historiques de se renouveler, de développer de nouveaux marchés, de cibler une nouvelle clientèle, etc.
Quelques exemples éloquents: Kiabi, avec ses 1,57 million de fans français et 880 000 fans en Espagne; Desigual, avec déjà 280 000 fans en France; Dior, qui a presque le même nombre de fans à Taïwan qu'en France; Vestiaire Collective, avec près de 50 000 utilisateurs se connectant mensuellement au Facebook Login sur son site… Qui montera dans le train de la socialisation de l'e-commerce? Qui restera à quai?