Les communicants internes doivent davantage faire parler leur patron, qui doit être leur premier média. Pour trois raisons. D'abord, parce que le salarié postmoderne revendique sa complétude: il est un être de raison et d'émotion. Depuis longtemps, la publicité ne s'adresse plus simplement à l'intellect du consommateur, mais bien à la totalité de ses sens. La communication interne prend ce chemin, celui de la mobilisation des affects. Or cette mobilisation (et c'est la grande différence avec la communication financière qui est l'obsession des PDG) est une mission d'individu de chair et de sang. Le patron est le premier d'entre eux.
Il ne doit de plus être celui qui sait mais celui qui partage. Il doit être capable d'empathie émotionnelle, d'avouer des faiblesses ou des doutes, de faire preuve d'humour, de connivence. «Quand John Chambers, patron de Cisco, déclare “nous avons été trop lents” et promet une révolution culturelle à une entreprise qui pourtant n'est pas la plus statique du marché, il apparaît bien comme un leader. Ce type d'attitude est aujourd'hui perçu comme une forme d'intelligence et de modernité. Quelques années auparavant, elle aurait été un aveu de faiblesse.»(1)
Ensuite, parce que la responsabilité sociale et environnementale doit conduire à un changement radical de l'image du patron. Hier, c'était un serviteur de la valeur actionnariale; aujourd'hui, c'est l'artisan de la «valeur partagée». L'entreprise évolue d'une logique de marché à une logique de société, et le patron opère ce changement.
Prenez Paul Polman, le PDG d'Unilever. Sa vision est large: son plan d'entreprise engage non seulement ses propres opérations (173 000 salariés, 51 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2012), mais aussi celles de ses fournisseurs, distributeurs et consommateurs. Unilever se préoccupe de pauvreté, d'éducation des femmes, de qualité alimentaire, d'environnement… «Il s'agit d'humanité et de dignité. Nous servons 2 milliards de femmes dans 190 pays et il faut investir dans les femmes pour éradiquer la pauvreté. C'est une conversation à avoir dans notre conseil d'administration, mais aussi à l'extérieur!» L'homme qui dit ça a de l'épaisseur, de la densité, de l'humanité. Cela doit se voir, et d'abord dans sa propre entreprise.
Dernière raison. Dans la bataille des talents qui s'avive, les communicants doivent comprendre que le patron est un élément clé du déploiement de la marque employeur. Les jeunes rêvent de Steve Jobs, Bill Gates, Mark Zuckerberg, Larry Page, Richard Branson… L'idéal-type de leader est devenu ce personnage inventif, ouvert sur le monde, visionnaire et adaptable. Et on jugera à l'aune de ces critères le dirigeant de sa propre entreprise comme celui de celle qu'on imagine de rejoindre. Celui qui apparaîtra comme trop financier, rigide, trop sûr de lui et incapable de se mettre en cause ne fera plus rêver. Les communicants internes doivent être les artisans de ce rêve.