Ils se nomment Netflix, Airbnb, Uber ou Buzzfeed et depuis plusieurs mois font chaque jour les titres de la presse économique française. Qualifiés de «nouveaux barbares», rompus au maniement de l'arsenal numérique et organisés en unités agiles capables d'une projection rapide aux quatre coins du globe, ils fascinent autant qu'ils effraient les bastions en place. Tourisme, divertissement, transport, paiement, aucune industrie ne semble échapper à leur soif de conquête.
Face à cette déferlante, de nombreux acteurs s'interrogent sur la riposte à mener: faut-il prendre la vague de front ou nager de travers pour échapper aux remous? Faut-il mater le «barbare» ou l'assimiler?
Plus que des business models disruptifs, les «nouveaux barbares» sont souvent présentés, à tort ou à raison, comme les porte-drapeaux d'une philosophie libérale qui s'accommode mal de la tradition française, comme en témoignent les feuilletons politiques réguliers auxquels chacun de leur acte donne lieu.
Favoriser l'éclosion de l'innovation tout en répondant aux exigences de préservation, tel est le délicat équilibre que doit trouver le législateur. Souvent taxé d'interventionnisme excessif, il est pourtant encore essentiel sur bon nombre de sujets, comme celui de l'harmonisation fiscale ou de la garantie de la neutralité du Net, cette dernière prenant une place toute particulière à l'heure où les marques investissent de plus en plus dans la production de contenus.
Ceci ne durera pas. Partout dans le monde, les Etats sont en train d'apprendre à partager leur pouvoir. La mondialisation va beaucoup plus vite dans l'économie qu'en politique, l'Europe en est un triste exemple.
Dès lors, l'enjeu pour les annonceurs est de prendre leurs responsabilités. En se concentrant sur la transformation de leur stratégie, en laissant au régulateur le soin d'établir un champ de bataille équitable. «Connais ton ennemi» écrivait Sun Tzu. La compréhension des schémas utilisés par les «barbares» est capitale. L'ouverture par McDonald's d'un laboratoire technologique au cœur de la Silicon Valley au début du mois de juin en est la parfaite illustration. Pour convertir cette connaissance en performance business, les organisations doivent faire imploser les silos de leurs structures et remettre en cause leur logique de management, en allant bien au-delà d'un modernisme de façade.
Le numérique ne doit pas être dans l'entreprise. Il ne doit pas en être une expertise parmi d'autres. Il doit mener la transformation, ce qui nécessite souvent la remise en cause du leadership global des comités de direction. Sortir du confort de l'exploitation pour se réapproprier une logique d'exploration est une condition impérieuse de pérennité. Sans renoncer aucunement aux alliances avec les médias, les marques doivent accroître considérablement leurs liens avec les plateformes technologiques, nouveaux fers de lance du marketing.
Ces «barbares» sont bien différents de ceux du Ve siècle car, après eux, l'herbe repousse, et bien plus verte qu'auparavant. Hérauts du consommateur, les «nouveaux barbares» libèrent des opportunités inespérées pour des pans entiers de l'économie. Si la bataille fait aujourd'hui rage, c'est probablement grâce à eux que les marques trouveront leur salut dans le nouvel âge du numérique.