La création d'une campagne publicitaire tend à devenir un véritable casse-tête, entre les mentions d'information, les recommandations de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité ou les règlementations sectorielles. L'annonceur doit même parfois faire face aux réclamations de tiers pour contrefaçon.
Par exemple, une affaire opposait la société H&M au géant du luxe Louis Vuitton, qui reprochait au suédois d'avoir diffusé une campagne en faveur d'un modèle de robe auquel était associé une de ses paires de chaussures. Les juges ont considéré qu'en représentant le modèle Vuitton au sein de sa campagne, H&M a commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur. Cette solution est logique eu égard aux textes applicables, même si le principe connaît une exception importante.
Les créations des industries de l'habillement sont des œuvres de l'esprit qui peuvent bénéficier de la protection par le droit d'auteur si elles sont originales. Le créateur peut alors seul exploiter l'image de ses modèles et en interdire l'utilisation par un tiers en publicité.
Le couturier Christian Lacroix a ainsi obtenu en 1988 l'arrêt d'une campagne au profit d'une ligne de maquillage représentant des robes et des bijoux dont il était l'auteur. Le juge avait retenu qu'il «convenait de mettre fin à un trouble manifestement illicite et d'interdire, en conséquence, la poursuite d'une campagne publicitaire organisée au mépris des droits de Christian Lacroix».
En 2012, une cour d'appel a fait droit à l'action en contrefaçon d'un créateur de bracelets qui reprochait à une boutique d'avoir utilisé ses œuvres, alors qu'elle décrivait en détail le visuel litigieux, au sein duquel les bracelets n'avaient qu'une importance faible: on y voyait en effet une jeune femme assise sur une méridienne posée sur la piste d'un aéroport, portant à la fois une robe à petites manches, des chaussures à talons, un serre-tête, deux bracelets et deux sacs à main. Mais, selon l'arrêt, le consommateur était conduit à examiner chacun des objets portés par le mannequin.
De même, en 2013, la société Getty Images a été condamnée pour avoir commercialisé sur son site une photographie reproduisant un modèle de fauteuil de Le Corbusier utilisée au sein d'une publicité, en raison de «l'importance donnée à la présentation de ce fauteuil […] afin d'assurer la promotion du confort d'un traitement moderne à domicile “en toutes liberté et discrétion”».
Comment le créatif en charge d'une campagne publicitaire pour un vêtement peut-il alors s'en sortir sans subir le courroux de titulaires de droits sur des accessoires de mode protégés? Les juges ont assoupli cette rigueur par le recours à la théorie de l'accessoire, selon laquelle la présence d'un objet protégé ne porte pas atteinte aux droits d'auteur lorsqu'elle est fortuite. Mais cette théorie n'est pas une solution miracle car ses conditions de mise en œuvre sont strictes.
Ainsi, dans l'affaire Vuitton, la cour d'appel a rejeté l'argumentation de H&M en considérant que, loin d'être placées en arrière-plan, les chaussures «étaient mis[es] en évidence par le port de jambières et les différentes positions adoptées par le mannequin». Les chaussures «particip[ai]ent indéniablement à une mise en scène destinée à mettre en valeur les vêtements commercialisés par la société défenderesse».
A rebours, en 2010, le titulaire des droits sur un modèle de guirlande avait échoué dans son action en contrefaçon contre Lotus au motif que «l'apparition de cette guirlande [était] accessoire par rapport au sujet publicitaire dont l'objet est la promotion du produit Lotus».
De même, en 2011, l'action en contrefaçon fondée sur un modèle de lampe qui apparaissait sur une publicité pour un hôtel avait échoué car la photographie faisait apparaître la lampe de manière accessoire, «située dans l'angle gauche de la photographie qui représente la chambre dans sa globalité avec l'ensemble de ses équipements et décorations».
L'utilisation d'une œuvre protégée au sein d'une campagne publicitaire pour un annonceur tiers n'est donc possible que si son inclusion n'est que fortuite ou suffisamment indiscernable pour qu'elle ne mette pas en œuvre les droits de l'auteur. Ainsi, lorsque chaque objet de la campagne est choisi de manière spécifique, la théorie de l'accessoire, qui s'interprète restrictivement, ne pourra pas s'appliquer.