Jean-Christophe Gallien, président de JCGA, professeur associé à l'université Paris 1-Sorbonne liste les bienfaits que tout pays peut tirer du foot et de la Coupe du monde.

La Coupe du monde a débuté au Brésil, mais depuis plusieurs semaines, nous redécouvrons qu'avec le football, un pays engage bien autre chose que son seul destin sportif, bien davantage même que l'enjeu économique. C'est de sa réputation globale et de sa compétitivité qu'il s'agit. Et même d'une partie de son mythe contemporain.

 

Le football est le sport mondial numéro un et la Coupe du monde est l'événement sportif (et non sportif) le plus populaire, le plus regardé. Jusqu'à la mi-juillet, le monde va vibrer pour un feuilleton sans équivalent. Tous nos écrans vont se remplir, en continu, de ce contenu universel et sanctuaire, populaire et intime tout à la fois. Un contenu de plus en plus payant d'ailleurs. Un contenu rare aussi, puisqu'il s'agit d'un rendez-vous qui n'a lieu que tous les quatre ans.

 

Le sport en général, le football en particulier, devient une composante majeure de la bagarre féroce pour la part d'audience globale d'un pays dans la formidable compétition territoriale mondialisée. Le rôle et la place d'un pays dans le monde ne se mesurent plus seulement à la force de son économie, à ses capacités militaires, à sa place dans les institutions de gouvernance internationale. Il repose aussi sur la puissance de séduction notamment de ses idées, de ses savoirs, de sa culture, de ses talents et de sa réussite sportive. Une nouvelle narration est à l'œuvre. La France, qui a inventé tant de grands événements sportifs, qui a de bons résultats et, osons l'affirmer, une vraie culture sportive, se doit d'y exercer toute son influence et d'y prendre toute sa place. Il s'agit d'une dimension active de notre attractivité générale, pas seulement de notre image. C'est un élément essentiel d'une nouvelle diplomatie comme, dans une autre dimension, notre rayonnement culturel, notre patrimoine alimentaire et gastronomique, ou encore la vitalité académique de nos universités.

Nous sommes passés à une diplomatie dite publique, entre «soft power» et «smart power». On parle directement aux opinions publiques digitalisées, très mouvantes, disponibles et, surtout, qui constituent un marché géant et renouvelé.

 

Le sport et le football, c'est donc une part de notre message au reste du monde. Une déclaration de notre ambition. Une France qui peut gagner, qui peut faire rêver et attirer les regards, les envies, les talents et l'argent. C'est essentiel, en particulier pour notre conversation avec les jeunes générations émergentes et mondialisées qui n'ont que très peu de connaissance, parfois même d'intérêt voire d'affection pour notre pays. Ils vont faire le monde de demain. Ils sont disponibles pour notre propre narration, mais ils doivent être touchés!

 

Il faut donc des points de contact, des moments et des lieux. La phase finale de la Coupe du monde est un rendez-vous majeur de l'agenda global. Pour la plupart, ces jeunes gens vont vivre leur premier événement global. Ils n'ont aucun lien de mémoire ou d'affection avec les années Platini, un peu plus peut-être avec celles de Zidane. Et pour gagner une part de leur attention et maintenir notre part d'audience dans la compétition globale, il faut sans cesse réinventer notre propre série. Grâce à une équipe de France, certes sans grand leader charismatique, nous ne sauterons pas une génération. Pas d'écran noir, pas de déclassement, l'aventure France continue!

 

Et le rendez-vous a lieu cette fois au Brésil. Pays-roi du football et surtout leader des émergents sud-américains, et plus largement d'un Sud qui s'est largement affranchi de ses complexes supposés et conteste le Nord sur tous les terrains. Est à l'œuvre une redistribution de la puissance à l'échelle du globe. La Coupe du monde brésilienne est un rendez-vous central de ce croisement de deux mondes, de deux époques, comme un basculement que la France ne devait manquer.

 

Demeure cependant une dimension de l'expérience du Nord que le Sud continue, pour un temps, à supporter. Elle est sportive. Certains championnats et ligues de sport professionnels, comme la NBA américaine ou la Premier League anglaise, constituent de véritables plateformes de développement et d'influence pour leurs pays et leurs économies, qui attirent talents et investissements du Sud.

 

Il nous reste donc nous aussi à développer une ligue nationale professionnelle ambitieuse, au coude-à-coude avec la Bundesliga allemande et juste derrière la Premier League en profitant des ajustements économiques de la Liga espagnole et du Calcio italien. Notre Ligue 1 peut et doit aborder, comme notre pays, un virage qui l'oblige à regarder en face, sans crainte, la globalisation du football et plus sérieusement celle du monde, et à tenter de s'y relocaliser, là aussi, victorieusement.

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