politique
Pour 65%, c'est un résultat «inquiétant» pour la vie politique française.

«Une voix sur quatre pour le FN… ça va mal finir.» La couverture du Nouvel Obs jetant dans l'ombre la moitié du visage de Marine Le Pen relève-t-elle d'un autre temps? Le Front national a eu beau atteindre près de 25% des voix aux européennes et devenir ainsi, le temps d'une soirée électorale, le «premier parti de France», il n'y a pas eu de séisme politique dans l'opinion. Tout juste si les manifestations anti-FN ont mobilisé quelques milliers de personnes… Comme il semble loin le «coup de tonnerre» décrit par Lionel Jospin le 21 avril 2002, lors de la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle.

Apathiques, les Français? Non, si l'on en croit un sondage BVA (mené auprès de 1 093 personnes les 27 et 28 mai): 65% d'entre eux estiment qu'il s'agit là d'un résultat «inquiétant» pour la vie politique française. En réalité, le clivage est net entre les sympathisants de gauche, qui sont 77% à partager «tout à fait» ce sentiment d'inquiétude, et ceux de droite, qui ne sont que 22% de cet avis. La proportion est rigoureusement inverse lorsqu'il s'agit de savoir si le FN doit être vu comme un parti comme les autres: «oui» pour 77% des sympathisants de droite.

Une base électorale élargie

Faut-il donc mesurer à cette aune la réussite de la stratégie de dédiabolisation mise en œuvre par Marine Le Pen? En réalité, une courte majorité de Français (53%) adhère à cette idée de normalisation. C'est un peu moins qu'au soir des municipales (58%), comme si la crainte d'une extrême droite montante s'intensifiait à mesure que le FN gagne en importance. Depuis le gain d'Hénin-Beaumont et d'une dizaine de villes en mars dernier, le FN ne voit plus s'opposer à lui un front républicain. «Le fait de dénoncer le risque FN ne suffit pas réduire son importance, note Erwan Lestrohan, directeur d'études chez BVA Opinion. Car ce parti a élargi sa base électorale chez les perdants potentiels de la mondialisation, les ruraux ou les catégories les plus susceptibles d'être impactées par la crise.»

Tout en rassemblant déçus ou victimes de la mondialisation, le FN incarne le mieux le parti de l'opposition à l'Europe. Les jeunes de moins de 35 ans, souvent confrontés à des difficultés d'insertion professionnelle, sont 30% à avoir voté pour lui selon Ipsos (29% des 18-24 ans et 35% des 35-50 ans, selon l'Ifop) alors que les ouvriers, menacés dans leur emploi et leur pouvoir d'achat, ne sont pas moins de 46% à avoir fait ce choix selon Ipsos (43% selon l'Ifop), même s'il importe de rappeler qu'ils sont surtout abstentionnistes (à 65%). Difficile, dès lors, pour les partis traditionnels, de crier au loup: ces électeurs sont issus des milieux populaires, voire des classes moyennes, qui sont des électeurs qu'ils cherchent aussi à toucher. A gauche comme à droite.

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