À quoi servent les marques dans le business? A l’heure où notre pays se dote d’une marque France, visant à renforcer sa compétitivité et son attractivité dans le monde, il semble qu’il y ait d’un côté une prise de conscience de leur importance et de l’autre une interrogation déchirante sur le «comment faire» dans le monde digital.
Le rôle des marques, c’est d’abord de donner du sens et de la cohérence aux stratégies des entreprises pour créer de la confiance auprès de leurs publics – à commencer par les consommateurs – et ainsi orienter leurs choix. Le problème d’aujourd’hui, c’est que les marques ont traditionnellement été les «patrons» de la relation, en imposant avec leur fameux 4P (produit/prix/place/publicité) leur vision du monde et leur discours. L’ajout dans les pratiques du 5e P, pour les personnes, a simplement entériné le fait qu’il fallait quand même aussi penser aux cibles – ce qui était de toute façon déjà induit dans les 4P.
Avez-vous vu le concept de communication australien pour la prévention des accidents dans le métro, «Dumb ways to die», qui a gagné cinq prix à Cannes en 2013? Cinq prix parce que le concept a été décliné en publicité, RP et radio, a donné lieu à la création d’une appli et a aussi empoché le prix de la campagne intégrée. Ce sont des petits monstres mis en scène en animation pour nous expliquer qu’il peut y avoir des comportements dangereux dans le métro, qui peuvent être source d’accidents mortels.
Plus de 76 millions de vues, pour une pub en provenance d’un «petit» pays d’à peine plus de 20 millions d’habitants, c’est pas mal! Mais surtout des résultats spectaculaires déclarés par l’annonceur en termes de réduction des accidents. Il fallait le faire. Mille fois bravo. Bravo pour l’audace, la fraîcheur, la clarté du message, l’efficacité du propos, la force du style et l’impact.
Ce que je trouve de plus remarquable dans ce concept, c’est qu’il incarne une nouvelle vision du monde, du marketing et de la communication, fortement imprégnée de la nouvelle culture digitale. Cette nouvelle culture du digital change les règles, les codes, le discours et le mode d’intervention des marketeurs.
C’est ce que relève la grande agence de branding Wolff Olins dans sa vision du futur, qui met l’accent sur le décalage (le «side-stepping») que la nouvelle attitude digitale impose. Les consommateurs ont le pouvoir, c’est maintenant bien connu, mais les marques continuent le plus souvent à chercher à leur vendre quelque chose, au lieu de partager et d’engager la conversation.
Le Club des annonceurs a publié en octobre 2013 une étude réalisée par TNS Sofres auprès de ses membres sur le pilotage des marques, intitulé «Une marque d’avance», qui fait état d’une transformation radicale. Selon celle-ci, deux grandes conclusions se dégagent:
1- La marque s’impose comme un levier majeur dans l’entreprise;
2- La fonction de pilote des marques devient de plus en plus complexe, et la prise en compte du digital et de ses conséquences dans la relation client et la communication est le sujet numéro un des décisionnaires d’aujourd’hui. Mais il y aussi un hic: les pilotes manquent de repères dans la conduite de leur navire.
Comment gérer le changement de culture auquel nous assistons? Un sondage BVA-Influencia réalisé auprès de 1 000 consommateurs en mai 2013 pose certains marqueurs intéressants: la mutation à laquelle on assiste dans la relation marque-consommateurs connaît un rééquilibrage grâce au digital. Les consommateurs voient dans le digital les prémices d’un monde meilleur: les marques peuvent contribuer à changer la société en créant de l’échange et du partage, et les moins de 35 ans sont plus qu’enthousiastes à cet égard.
Concrètement, Facebook, Twitter, Pinterest et les autres apportent de la valeur dans ma vie parce qu’ils me permettent de dialoguer avec les autres, les applis de circulation et de météo m’aident dans mon quotidien, les conseils de Trip Advisor m’évitent la catastrophe en voyage, le couponing mobile me fait économiser au bon moment, Candy Crush me distrait quand je veux et Bla Bla Car m’aide à transporter les autres et à me transporter pour moins cher.
So what? Que doivent faire les marques pour réussir dans l’ère digitale? Il appartient bien sûr à chaque marketeur de trouver sa réponse.
Voici mes convictions: les consommateurs sont de plus en plus en recherche de sens et de proximité dans un nouveau rapport avec le temps. Les marques qui incarneront ce supplément de sens avec sincérité et proximité dans l’espace temps approprié seront les mieux placées pour emporter leur adhésion et développer une relation mutuellement profitable.
C’est pour cela que la gestion de la relation client devient un sujet majeur pour les entreprises: savoir se connecter avec ses clients d’une façon sensible, respectueuse, interactive et évolutive est la clé de demain. Certains disent que le CRM (Customer Relationship Management) devrait devenir le VRM (Vendor Relationship Management) et ainsi refléter le fait que c’est le consommateur qui a le pouvoir de définir la relation qu’il veut entretenir avec son «Vendor».
Je crois que c’est donner trop de responsabilités au consommateur, qui a d’autres chats à fouetter! Je crois aussi que nous assistons à un New Deal relationnel, qui dépasse les frontières du CRM et qui intègre le SRM (les médias sociaux), le brand building, le transactionnel et les RP. Il faut donc réinventer la relation avec le consommateur, avec le citoyen, l’internaute et le mobinaute dans une perspective intégrée. Et si j’avais à «rebrander» le CRM pour lui donner toute la puissance qu’il mérite, je l’appellerai TRM: Total Relationship Marketing.
C’est dans une fraîcheur de style – et avec ce décalage que je mentionnais précédemment – que «Dumb ways do die» a su créer une nouvelle proximité en entrant dans la vie des gens, dans une logique de Total Relationship Marketing: dispositif de moyens multicanal, multiplate-forme, multisensoriel, interactivité et porteuse de sens pour les publics auxquels il s’adresse.
Pour les marques, les opportunités de recréer du sens dans la relation sont nombreuses: le comportement éthique, la transparence, la sincérité, le partage de connaissance, le coaching, le divertissement, le partage d’idées, le conseil et l’assistance, et bien d’autres. Le New Deal des marques en digital implique de se tremper dans cette nouvelle culture et d’être orienté vers l’action en permanence. C’est un monde enivrant et prometteur pour ceux qui osent.