Opinion. Jean Christophe Gallien, professeur associé à Paris 1-Sorbonne et président de JCGA, plaide pour un retour à une stratégie locale.

Après Nicolas Sarkozy, François Hollande est bien le président d'une France en tranchée. L'échelon de la proximité municipale a cédé à son tour. Les Français ont à nouveau oublié les urnes. Et si l'on ajoute aux abstentionnistes, les citoyens non inscrits et les «exprimés» blanc ou nuls non comptabilisés, voilà presqu'une moitié de France silencieuse qui a tourné le dos à l'offre politique municipale proposée à leurs suffrages. Le peuple fait à nouveau sécession!

Si la défaite politique est bien celle du Parti socialiste, de sa majorité et de son exécutif au pouvoir, après celle des régionales en 2010, il s'agit, à nouveau, d'une défaite de la démocratie locale. Et l'abstention électorale n'est qu'un des visages de cette migration citoyenne. Comme avec les «bonnets rouges» bretons, des mouvements alternatifs naissent et se déploient. Des pans entiers de notre société s'éloignent du contexte de représentation républicain des partis, Front national compris.

Pour les Français, au delà de l'obsolescence d'un «roman français» qui imposait ses pages au reste du monde, dans l'intimité du territoire local, c'est un aussi la fin du «roman municipal», celui de l'efficacité de la proximité, de la croyance dans la capacité du politique à protéger voire même à changer les choses et la perte de la confiance dans l'espace public local.

Entre «démocratie d'influence» et «démocratie du rejet», cet espace public local s'est lui aussi complexifié. Une dispersion illisible de l'autorité s'organise avec de plus en plus d'acteurs publics et privés qui veulent participer à la coécriture de l'action publique. Parallèlement, les contestations de la parole publique référente se multiplient. Et nous sommes tous devenus, en tant que citoyens, beaucoup plus complexes. Dans cet espace de contradictions permanentes, il est devenu très compliqué de gouverner mais aussi de communiquer.

Pourtant, l'une des clés de la reconquête démocratique passe par la communication publique territoriale et sa refondation. Au cœur, il y a d'abord la nécessité de repolitiser le local. Il ne faut pas refuser la dimension politique de la communication publique et notamment la nécessité de développer des marques politiques fortes, la majorité municipale et surtout son leader, le maire. Des marques identifiables et «mobilisantes» pour livrer et gagner la bataille citoyenne de la démocratie locale.

L'enjeu est peut-être encore plus éminent et urgent à l'échelon intercommunal. Dans ce grand bazar territorial, pour renouer avec les usagers et délivrer efficacement le service public local, la communication publique doit aussi favoriser l'émergence équilibrée de marques institutionnelles clarifiées et légitimes: la commune et l'intercommunalité. Ça n'est pas seulement une dimension organisationnelle, ni même budgétaire. Il y a, là aussi, une responsabilité démocratique. En particulier lorsqu'il y a «confusion» des rôles entre le président de l'intercommunalité et le maire de la ville centre.

Tous les territoires sont désormais plongés au cœur d'une intense compétition pour l'attractivité. La communication publique municipale et surtout intercommunale doit revendiquer une position centrale dans l'élaboration et la conduite de l'indispensable engagement partagé et créatif de marques territoriales ambitieuses dans la bataille.

Les citoyens souhaitent que les élus locaux clarifient et surtout assument la totalité de la surface de leur fonction. Ils demandent une direction, un projet et des actes. Dans un contexte où tout est désormais débattu voire contesté, l'action des communicants publics territoriaux doit permettre de rétablir un cadre relationnel reposant sur cinq temps démocratiques: la pédagogie des enjeux, l'organisation du débat, le choix politique, l'adhésion à la décision et la valorisation des actes.

La communication publique doit pousser une parole publique libérée à se déployer, sans crainte, en profondeur dans l'espace public pour se charger en légitimité et créer la confiance entre gouvernance locale et citoyens. La confiance qui peut donner un sens à la société de l'incertitude mondialisée qui se vit aussi dans l'intime et le local.

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