Le premier tour des élections municipales s'est distingué par un record: celui du nombre d'abstentionnistes. Ils sont plus de 38,7% des inscrits à ne pas s'être rendu aux urnes ce 23 mars. Parmi eux, majoritairement des jeunes et des ouvriers: 58% des moins de 35 ans et 50% des ouvriers se sont ainsi abstenus, selon un sondage réalisé le jour du scrutin par l'Ifop et SAS auprès de 2 760 inscrits sur les listes électorales pour I-Télé et 20 Minutes. «Il est assez classique que ces populations s'abstiennent», observe Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop, qui rappelle que la participation baisse à chaque élection municipale depuis 1983.
Les candidats en ballotage défavorable fondent donc tous leurs espoirs sur ces quelque 17,3 millions d'inscrits qui ne se rendent pas aux urnes pour de mystérieuses motivations. «Certains électeurs ont exprimé, par leur abstention ou leur vote, inquiétudes, voire doutes», a réagi le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, tandis que le vice-président de l'UMP Brice Hortefeux a estimé que l'«érosion importante de la participation» aux municipales n'était pas seulement due à de la «lassitude», mais aussi au «mécontentement» des Français.
Les enjeux locaux pour remobiliser
Révoltés ou indifférents, les abstentionnistes? Le sondage Ifop-SAS révèle que si la moitié des électeurs ne se sentent proches d'aucune formation politique, ils sont 37% des électeurs proches de la gauche à s'être abstenus, contre 30% de ceux proches de la droite. «Sept points entre gauche et droite, c'est un différentiel énorme», observe Frédéric Dabi, pour qui ce chiffre prouve à la fois la démobilisation de l'électorat de gauche et le potentiel de sa remobilisation, qui est «clairement l'enjeu de l'entre-deux tours».
«Cela s'est vu une fois, en 1983: le premier tour des municipales avait vu une très forte poussée de la droite et la remobilisation des électeurs de gauche avait permis au PS de conserver un certain nombre de villes clés, comme Marseille», rappelle Frédéric Dabi. Parmi les abstentionnistes, 17% souhaitent plutôt une victoire de la gauche. En outre, 43% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2012 ne sont pas allés voter dimanche, selon l'Ifop (suit Marine Le Pen, avec 40%).
Pour remobiliser, la gauche ne peut pas compter, en revanche, sur le soutien au président de la République: seuls 6% des Français ont voté afin de soutenir sa politique, contre 15% en 2008, alors que 24% votent pour la sanctionner, et que 70% des Français déterminent leur vote principalement en fonction d'enjeux locaux. «Ce ne sera pas au gouvernement de remobiliser, mais aux candidats locaux, notamment en agitant l'épouvantail de la droite ou de l'extrême droite dans certaines villes», analyse Frédéric Dabi.