Austin, la capitale du Texas (Etats-Unis), accueille depuis plus de vingt ans l'un des festivals les plus improbables qui soit. South By South West se déroule sur un peu plus de dix jours et rassemble, dans une odeur de burritos et de santiags bien cirées, tous ceux qui de près ou de loin se sentent concernés par l'innovation en tout genre et par le futur en particulier.

La bonne nouvelle? Le publicitaire fait encore partie de cette foule bigarrée. Il se mélange discrètement aux développeurs, entrepreneurs, investisseurs, designers, bio-ingénieurs, hackers producteurs… Au début, le publicitaire est un peu perturbé: point de prix, ni de compétition, rien d'autres que des conférences, encore et encore, qui vous promettent des moments inattendus, abscons, vibrants ou totalement excitants. Morceaux choisis: «Healing healthcare with UX design», «Are we smarter than dinosaurs?» ou «Is it too late to be awesome?»

Et ça lui fait du bien, au publicitaire, de se sentir lâcher prise, de perdre le contrôle, de ne pas avoir le temps de commenter, analyser, critiquer. Oui, le publicitaire que nous représentions – l'équipe de BETC – était à la fois un peu perdu par tant de créativité, qu'elle concerne le code, l'immortalité ou l'industrie du cinéma, et en même temps totalement excité par tant de désinhibition, de liberté de parole et d'énergie.

On en revient «shooté» à l'innovation, les chakras de la créativité et de l'innovation grands ouverts, avec l'agréable et rassurante sensation de pouvoir encore faire partie du futur. Et surtout, on en revient généreux, car les choses qui se disent et se parlent à South by South West sont parfois bien trop importantes pour ne pas être partagées (je ne vous parlerai donc pas de la présence exceptionnelle de Grumpy Cat, en vrai, des applications japonaises pour analyser vos selles, des applications qui sont au sexe ce qu'est Nike + au running, des Google Glasses ridicules et anecdotiques…). Après quatre jours de conférences, de rencontres hasardeuses, de soirées sans fin, voilà ce qu'Austin livre comme sujets incontournables pour cette année.

L'immortalité. C'est pour bientôt: nombreuses conférences, plus ou moins techniques, mais toutes nous annoncent que le transhumanisme a gagné; que cette chose encombrante qu'est le corps va bientôt être réduit à l'état de détail. Etonnant de voir tous ces «geeks» applaudir la fin du corps et pourtant jouir joyeusement des fêtes les plus folles où danses, alcool et embrassades sont de mise. Les paradoxes font toujours partie de la naissance d'une idée.

L'anonymat. Le rêve secret de chacun: South By South West est réputé pour être le lieu où se lancent les start-up du futur; Twitter et Foursquare ont explosé en terres texanes. Cette année, c'est l'application «Secret» qui a pris de la place. Elle permet à chacun de livrer ses pensées, de les partager avec ses amis, et les amis de ses amis, mais dans un anonymat total des deux côtés. Rien de vraiment étonnant, puisqu'il existe déjà pas mal d'applications comme ça (cf. Whisper), à ceci près que les fondateurs ont décidé de modérer les posts (position très rarement assumée pour un réseau social) pour préserver la qualité des contenus partagés. Car ici l'anonymat sert à libérer la parole et les idées, voire la «gentillesse», pas à organiser des minicabales, comme ce fut le cas avec cette appli les jours qui suivirent son lancement.

Mais l'anonymat n'est évidemment pas juste un sujet de réseau social. La prise de parole d'Edward Snowden a, elle aussi, souligné l'importance du contrôle de son identité sur le Net, une réelle prise de conscience pour tout ceux qui étaient présents. Si nous ne savons pas prendre en charge la gestion de notre propre anonymat, partiel ou total, c'est notre sécurité qui peut être en jeu.

La question de la sécurisation et du cryptage des données était au cœur du discours de Snowden, avec un point de vue «rupturiste»: il n'est pas question de déléguer notre sécurité et notre identité aux Etats ou aux grandes compagnies, comme Google ou Facebook, qui peuvent avoir tendance à entrer dans des délires à la Big Brother. Nous devons tous être autonomes, telle est la conviction de Snowden, qui l'a poussé, d'ailleurs, à faire un acte de bravoure exceptionnel, probablement historique.

Alors, à nous d'apprendre le code, à crypter, à s'intéresser à cette «big data» pas seulement à des fins marketing ou de divertissement, ou encore «servicielles», mais bien en y ajoutant un point de vue éthique. Car cette data, c'est notre identité à tous, que l'on accepte de laisser entre les mains de n'importe qui, voire de bien plus fort que nous.

On peut donc revenir de South by South West avec l'âme d'un «start-upeur», galvanisé par toutes les idées et autres innovations croisées en chemin, mais, cette année, s'était glissée une idée, un peu plus grande, un peu plus morale, qui a donné aux geeks ados que nous étions une conscience politique. Des hippies, en effet, du XXIe siècle peut-être.

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