Si les idées sont de libre parcours, la jurisprudence fait parfois exception de «l'idée publicitaire» lorsqu'elle est «arbitraire et distinctive». La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 18 février 2014, a ainsi jugé qu'un film publicitaire pour le jus de fruits Tropicana avait repris fautivement une idée publicitaire d'Andros.
Ce spot représentant un homme en train de ramasser des oranges dans une plantation avant de les servir à sa famille, comportait un dernier plan d'une durée de deux secondes faisant apparaître une orange en gros plan sur laquelle était apposée une étiquette reproduisant la marque Tropicana.
Andros faisait valoir devant la cour qu'elle promeut ses jus de fruits depuis 1988 au moyen d'un visuel publicitaire représentant un fruit en gros plan sur lequel est apposée une étiquette comportant sa marque.
La cour d'appel de Versailles n'a pas été sensible aux arguments de Tropicana, qui soutenait principalement qu'une idée publicitaire n'est pas protégeable en tant que telle, qu'il est banal d'apposer une étiquette sur un fruit et que le visuel litigieux reproduisant la marque Tropicana en gros plan excluait tout risque de confusion avec Andros.
Elle a estimé que s'il est en effet banal que des producteurs de fruits apposent une étiquette avec leur marque sur leurs produits, tel n'est pas le cas des fabricants de jus de fruit et qu'il importe peu que l'idée publicitaire ne soit mise en œuvre qu'à la fin du film «dès lors que cette circonstance ne lui fait nullement perdre son caractère distinctif et qu'au contraire cette idée joue un rôle essentiel de signature et marquera la mémoire du consommateur».
Partant, la cour a considéré qu'il existait un risque de confusion, nullement exclu selon elle par la présence des marques Tropicana et Andros, caractérisant la reprise indue et la banalisation de «l'idée publicitaire distinctive» d'Andros.
Les annonceurs et agences doivent prêter une attention toute particulière à la reprise de l'idée publicitaire d'autrui dans un film publicitaire. Il est cependant permis de n'être pas convaincu du caractère «arbitraire et distinctif» de l'idée publicitaire revendiquée par Andros «consistant à promouvoir un produit à base de fruits au moyen d'un fruit revêtu d'une étiquette reproduisant la marque du fabricant de ce produit» au motif que le fruit figure en gros plan dans la publicité.
Dans une affaire antérieure, le tribunal de commerce de Nanterre avait sagement débouté Andros de ses demandes contre Danone au motif que «le thème du fruit en gros plan sur fond vert (…) paraît banal et non susceptible d'appropriation» (TC Nanterre, 8e ch. 2 février 1999).
De même, la cour de Versailles retient que la reprise de cette idée a suscité un risque de confusion entre les visuels publicitaires sans s'en expliquer, alors que la fonction de la marque reproduite en gros plan dans la publicité est d'identifier l'origine du produit, ce qui empêche précisément toute confusion.