«J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie», écrivait Paul Nizan en 1931. Loin de l'insouciance soixante-huitarde, les jeunes de 2014 ne semblent pas si éloignés du sentiment d'inquiétude et d'injustice de l'entre-deux guerres. «La jeunesse française se sent méprisée et tentée par la révolte», titre Le Monde du 26 février. Le quotidien prend appui sur un questionnaire en ligne menée sur Internet auprès de 210 000 jeunes de 18-34 ans par Génération quoi, le dispositif de France Télévisions et Upian.
En se focalisant sur les 18-25 ans, il en ressort qu'ils sont majoritaires (51%) à ne plus considérer que vingt ans est le plus bel âge de la vie, que seuls un quart d'entre eux ont la conviction que leur vie sera meilleure que celle de leurs parents. Plus massivement encore, 70% estiment que la société ne leur donne pas les moyens de montrer ce dont ils sont capables. Ils n'étaient que 56% dans ce cas il y a huit ans. Enfin, à 61%, ils se disent prêt à participer à mouvement de type Mai-68.
La notion d'égalité des chances
Sur le plan des études et de l'emploi, cette vaste enquête montre aussi que la société est perçue majoritairement comme inégalitaire. Six jeunes sur dix pensent que le système éducatif français – qui ne contrebalance pas suffisamment les inégalités subies via l'éducation reçue des parents – ne donne pas ses chances à tous et ne récompense pas le mérite. Et, dans la vie professionnelle, une proportion équivalente estime qu'ils ne sont pas payés à la hauteur de leurs qualifications. Une désillusion d'autant plus tenace que cette génération – qui compte 23,9% de 15-24 ans au chômage – fait justement du travail une valeur, à 81%.
Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion d'Harris Interactive, confirme: «On n'est pas face à une population qui considère qu'il n'est pas important d'intégrer le marché du travail, qu'il y a d'autres façons d'entrer dans la société. Là où elle se différencie, c'est sur la notion d'égalité des chances: les jeunes mettent en avant l'absence de discriminations.»
Dans une étude pour l'émission Place des idées (LCP-AN) réalisée auprès de 1 766 Français, l'institut témoigne en effet qu'au-delà de l'école, l'éducation ou le travail, deux inégalités centrales apparaissent aux yeux des moins de 30 ans: l'accès au logement et au premier emploi. Si moins d'un Français sur quatre considère que les jeunes sont égaux entre eux sur ces deux critères, ils ne sont que 17 à 18% des jeunes à porter cette appréciation sur eux-mêmes. Une génération tentée par la révolte? «Pour nous, cela ne représente que 10% des jeunes, répond Jean-Daniel Lévy. Il s'agit d'intégrer la société, pas de la détruire.»