Les Jeux olympiques d'hiver à peine achevés, une question nous brûlait les lèvres: d'où vient cette émotion si particulière qui nous submerge quand on voit nos compatriotes remporter de l'or tant convoité? Pour mieux comprendre, revenons un peu sur les différentes images du sport.
La particularité de la figure sportive, comme a pu le montrer la philosophe (et ex-joueuse de tennis de haut niveau) Isabelle Queval, est de constamment osciller entre le bien et le mieux, c'est-à-dire entre le bien-être et la performance. C'est d'ailleurs entre ces deux extrémités que les marques se positionnent: Nike et Adidas s'affrontent depuis toujours sur le terrain de la performance tandis que Puma, Reebok et Asics se sont tournés vers le bien-être. Soit je suis dans la recherche de l'équilibre, soit je tends vers la surhumanité; dans les deux cas, la marque de sport m'aide à me reparamétrer, à créer une version améliorée de mon moi.
Aujourd'hui, le mouvement de balancier est toujours là, mais il s'est lissé, si bien que lorsqu'on parle de sport, on ramène tout au dépassement de soi. Pour autant, on a complètement banni la dimension agonistique du sport: il n'est plus question de montrer la transcendance en acte, ce par quoi on doit passer pour arriver à un niveau d'excellence. Ce que l'on veut voir, c'est le résultat: la performance, le succès, l'exploit en somme.
Adidas ne nous raconte plus l'histoire de Messi pour donner une voix à son «Impossible is nothing», désormais «Adidas is all in». Nike a rompu avec le culte de la douleur depuis bien longtemps et nous enjoint à «Just do it». Puma nous montre que le sport rime avec joie et partage, Asics défend une philosophie de l'harmonie entre le corps et l'esprit, et Reebok nous aide tout simplement à développer notre potentiel naturel.
Dans l'ère du positivisme à toute épreuve, il est révolu le temps où la fierté venait de notre capacité à surmonter les obstacles qui se dressent sur notre route. Aujourd'hui, on est fiers parce qu'on a réussi, tout simplement! Les marques de sport ont d'ailleurs bien compris que la douleur ne faisait plus vraiment vendre et, à ce titre, elles sont les premières à nous aider à moins souffrir.
Quelques exemples. En développant leur gamme de vêtements streetwear, les marques de sport nous ont prouvé que l'on pouvait tous porter les valeurs du sport avec style, sans pour autant être un compétiteur de haut niveau. La Stan Smith d'Adidas ou l'Air Jordan de Nike sont désormais plus vues dans les lookbooks que sur des terrains.
Les applications fleurissent pour nous accompagner dans nos joggings et autres comptages de pas. Nike + Running suit nos performances et nous aide à atteindre nos objectifs, Nike + Coach nous concocte des programmes sur mesure pour améliorer nos résultats, l'application Reebok nous permet de créer des programmes de remise en forme… Bref, les marques de sport ne sont plus simplement des équipementiers, mais de véritables entraîneurs!
De nombreux accessoires connectés voient également le jour, et ce, pour toujours mieux nous aider. Avec les bracelets Fitbit, Fuelband (Nike) ou Jawbone, on ne subit plus son corps, on le maîtrise et on le travaille comme on veut. Enfin, la salle de sport devient un temple d'expérience, à l'instar du Fit Hub et du Crossfit Box, premier concept store parisien de Reebok, qui allie boutique et salle de fitness, nous montrant que le fitness n'est plus celui qu'on pense.
Le sport ne se vend donc plus par l'effort qu'il demande, mais par l'émotion qu'il procure. Que retient-on des JO d'hiver? Les 15 médailles françaises, la victoire de Martin Fourcade et les records des autres nations aussi, après tout. Les Jeux, c'est le spectacle de la performance par excellence: on les regarde parce qu'on espère assister en direct à des exploits, des actes héroïques. On les adore pour leurs arrêts sur image et leurs gros plans sur des athlètes heureux d'y être arrivés. On les attend en 2018, en Corée du Sud, pour continuer à nous montrer que l'image du sport n'est plus celle du corps en souffrance, mais bien celle du corps victorieux.
D'ici là, les marques de sport ne nous vendront plus simplement des vêtements et des chaussures, mais bien une expérience. Elles ne nous habilleront plus, elles nous aideront à être les héros de demain.