Le 29 janvier, le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, a envoyé une lettre aux quelque 53 000 directeurs d'écoles, 7 000 principaux de collèges et 4 200 proviseurs de lycées leur demandant d'informer les parents sur le contenu de l'enseignement, afin de couper court à la rumeur selon laquelle les écoles introduiraient une prétendue «théorie du genre», niant les différences entre les hommes et les femmes.
Une initiative qui faisait suite à la «journée de retrait de l'école», observée par certains parents le 27 janvier et prenant pour cible l'«ABCD de l'égalité», un dispositif pédagogique introduit lors de la rentrée 2013 dans les écoles primaires de dix académies pilotes pour enseigner aux enfants l’égalité entre hommes et femmes.
La rumeur, notamment alimentée par une frange de la population proche de mouvements religieux et de l'extrême droite, a répandu via Internet l'idée que ce nouveau dispositif, soutenu par le ministère des Droits des femmes, inciterait les garçons à porter des robes, les enfants à pratiquer la masturbation ou à développer des penchants homosexuels.
Mais au final, ce n'est pas l'initiative tardive du ministère pour tenter de combler une lacune évidente de communication auprès des parents d'élèves qui aura permis de replacer le débat sur un terrain plus rationnel. Paradoxalement, c'est la polémique elle-même qui semble avoir mieux fait connaître l'«ABCD de l'égalité».
Ainsi, selon un sondage réalisé les 30 et 31 janvier par l'institut BVA pour I-Télé, 68% des Français ont entendu parler de ce dispositif, 53% le considérent comme une bonne chose et 56% ne craignent pas que cet enseignement soit un moyen de diffuser une «théorie du genre». Cependant, 37% estiment tout de même le contraire et 33% que c’est «dangereux». Le clivage est très marqué entre gauche et droite: 55% des sympathisants de droite pensent en effet que ce nouvel enseignement est «dangereux».
Des Français agacés
«Après la loi sur le mariage pour tous, les affaires Leonarda et Dieudonné, le débat sur ce nouvel enseignement à l'école agace les Français, qui voit là une forme de diversion par rapport aux sujets prioritaires que sont, selon eux, l'emploi et l'économie», commente Céline Bracq, directrice adjointe de BVA Opinions, qui souligne par ailleurs le risque pour le gouvernement de créer un nouveau front, source de profonds clivages, sur une thématique traditionnellement explosive: l'école.
Pour autant, l'opposition devrait éviter de trop en faire sur ce thème, estime dans la foulée Céline Bracq: «Le piège pourrait également se refermer sur elle, son électorat attendant lui aussi qu'elle se mobilise sur d'autres sujets.»