La scène se passe un soir d'hiver. Un petit gaillard à l'air occupé attend, dans nos locaux, sa petite amie, l'une de nos salariés. Nous entamons la discussion et, curieux, je lui demande quel est son métier. Il me répond: «Entrepreneur.» Alors, comme on regarde un marin partir un soir de tempête dans le triangle des Bermudes, je lui souhaite bonne chance, sourire aux lèvres. Quelques mois plus tard, le profil Facebook de notre ex-salariée est devenu une annexe de Disneyland, composée de voyages, de luxe et de smiley. La raison? Son désormais mari venait de vendre sa société à Google… 25 millions de dollars. Bonne pioche pour Xavier Niel, qui en possédait 28%.
Autre succès, ce Parisien, éditeur au sein de ma régie, est devenu millionnaire en quelques mois. Il m'explique en parfait gestionnaire où il affectera le moindre euro gagné par la publicité. Je lui demande alors comment il a obtenu le financement de son entreprise: grâce aux fonds ISF, une bizarrerie française, permettant aux ménages aisés d'investir dans nos PME, dispositif lui ayant permis de réunir son premier million…
Ce Montpelliérain échouait depuis trois ans sur un média bancal. Alors, quand il a présenté son dernier «nouveau projet», il faut bien avouer que nous étions nombreux à grimacer, ici, à Paris. Dernièrement, il est entré dans le classement des nouvelles fortunes professionnelles. Celles des millionnaires à moins de 30 ans. Exactement comme ce Lyonnais, présenté par l'un de mes stagiaires, qui disait travailler sur «quelque chose… Tu verras, Pascal!» Après avoir levé 3 millions, il m'a paru vraiment très occupé… Peut-être préparait-il son exil fiscal à Londres? Ah, non, car c'est une «Jeune Entreprise innovante», cet étrange dispositif qui peut faire de la France un paradis fiscal. Pardon? «Yes, my Queen, in France, you can have zero tax for 7 years if you build a start-up: no employer's contribution, no benefits income, and it's legal!»... Mais que fait Bruxelles?
Je suis aujourd'hui le témoin d'une génération formidable. Pourtant, quand mes étudiants prennent la parole, ils me disent: «Mais M. Pham, vous êtes fous ou quoi? Vous vivez à San Francisco? Réveillez-vous, c'est la fin du monde! La France brûle, entourée par des vautours, des zombies, et des soucoupes volantes! Vous ne lisez pas Newsweek?»
Sun Tzu disait: «Celui qui n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindre.» Il existe une chance d'entreprendre ici, en effet, mais uniquement pour ceux qui y croient, qui n'abdiquent pas et qui ne pleurnichent pas. Pour ces gens-là, ces bâtisseurs qui acceptent le défi, la France accompagne de manière spectaculaire les entreprises innovantes comme aucun autre pays en Europe: fonds ISF, Jeune Entreprise innovante ou BPI France… Les exemples de succès à Paris, Lyon ou Montpellier sont nombreux.
Dans le palmarès Deloitte Fast 500, qui récompense les entreprises technologiques avec la plus forte croissance de chiffre d'affaires, les Français, ces «adorables losers», surclassent leurs homologues européens, avec 86 entreprises présentes, dont 21 dans le Top 100, et 2 dans le Top 10. Criteo a remporté ce prix, avec le destin qu'on lui connaît. Une autre entreprise française devient lauréate cette année, Ymagis, avec une croissance de… 60 000% en cinq ans! Et au dernier CES de Las Vegas, les PME françaises ont raflé quatre Awards de l'innovation, suscitant l'engouement de la presse américaine.
Quand j'ai créé à l'automne dernier un fonds d'amorçage doté de 5 millions d'euros consacrés au tourisme, aux sorties et aux loisirs, la ville de Paris m'a immédiatement proposé de collaborer avec elle, en mettant à disposition un joyau foncier de 1 000 m2, au cœur de Saint-Germain-des-Prés… En novembre, nous recevions l'adjoint au maire, les Galeries Lafayette, Aéroport de Paris et la directrice de Paris Incubateur, tous aujourd'hui mobilisés pour créer ensemble le Welcome City Lab, premier incubateur du monde pour ce secteur. En décembre, je recevais déjà deux cents dossiers de candidatures.
Comme un choc, j'étais témoin encore une fois de la vertigineuse créativité de notre pays, de futures belles histoires en perspective. En 2014, l'ensemble de nos salariés bénéficiera d'une bourse offerte pour coacher, soutenir et investir dans la révolution numérique, qui ne fait que commencer.
Ce genre d'histoire n'arrive qu'à Paris, quand nous travaillons en équipe. Paris est aujourd'hui la première capitale d'Europe en incubateur d'entreprises, avec plus de 100 000 m2 pour ces start-up, et d'autres se lancent, mais, ça, il ne faut pas le dire à Newsweek! Car il faut bien l'avouer, pour nous, entrepreneurs, le pessimisme ambiant est une superbe opportunité: ceux qui relèvent le défi ici jouent sur un territoire plus riche que l'Angleterre, avec moins de concurrents, puisqu'ils sont censés tous être ailleurs.