L'e-mail marketing est un support digital «à part» dans le monde des médias en ligne. Tantôt plébiscité, souvent décrié, il est souvent jeté en pâture. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, c'est pourtant l'un des meilleurs leviers d'acquisition en ligne. Et malgré le développement insolent des réseaux sociaux, il demeure beaucoup plus efficace que Twitter ou Facebook dans le domaine de la publicité.
Au cours de ces huit dernières années, l'e-mailing occupe systématiquement la première ou deuxième place dans le classement des médias digitaux en termes de retour sur investissement (source: Econsultancy Email Census). Même aux Etats-Unis, où l'e-mail marketing est «censé» être un média digital arrivé à maturité, Forrester Research prévoit que les investissements sur ce levier vont continuer de croître sur les cinq prochaines années!
Alors, pourquoi cette réputation sulfureuse? Fondamentalement, parce que l'e-mail marketing est victime d'un fléau bien connu: le spam. Cependant, c'est un terme fourre-tout dans lequel on trouve pêle-mêle des notions juridiques, commerciales et marketing. Au sens de la loi (LEN), «spammer» consiste à envoyer un courriel à une personne physique sans son consentement préalable, librement et explicitement obtenu. Tout le monde condamne cette pratique qui est d'ailleurs hautement répréhensible par la loi et encadrée par la Cnil.
Dans la pratique, nous avons tendance à considérer la majorité des courriels publicitaires que nous recevons comme étant des spams, quel que soit le caractère licite de ces messages. En d'autres termes, ce sont les activités commerciales et marketing des acteurs de l'e-mailing qui seraient subversives: ceux que nos amis américains appellent les «Grey Spammers». Ceux-ci seraient à l'e-mailing ce que le Canada Dry est à l'alcool: ils ressemblent à des spammers mais ce ne sont pas des spammers!
Levier de croissance important
Dans cet écosystème numérique, la loi de l'offre et de la demande publicitaire est dominée par l'annonceur. En position de force, c'est lui qui fixe les règles et les modalités d'achat d'espaces publicitaires sur Internet. Ainsi, les bases e-mail sont majoritairement louées selon un modèle tarifaire basé sur la performance ou le résultat. Le loueur (propriétaire de la base e-mail) n'est rémunéré ni sur le nombre d'e-mails envoyés, ni sur celui des e-mails ouverts ou cliqués... On est loin de la location traditionnelle au coût pour mille.
Par ailleurs, les règles antispam des fournisseurs d'accès étant de plus en plus restrictives, il devient extrêmement compliqué (pour ne pas dire aléatoire) de faire aboutir un message électronique dans la boîte e-mail du destinataire.
Face à cette situation, nombreux sont les acteurs de l'e-mailing qui n'arrivent plus à gagner de l'argent. Pour subsister, ils n'ont d'autres choix que de collecter des adresses électroniques à des prix toujours plus bas, et d'augmenter régulièrement leur pression marketing. Pourtant, on a tendance à oublier que l'e-mail est au cœur de l'économie digitale dont dépendent notamment les e-commerçants. C'est souvent un levier de croissance important et parfois stratégique pour de nombreux acteurs de la Net économie.
Deux logiques et deux objectifs antagonistes s'affrontent donc. Et j'ose faire cette comparaison entre l'e-mailing publicitaire et la voiture: tous les deux polluent (même si le premier n'attaque pas notre couche d'ozone!) mais sont nécessaires à notre économie. Il règne à mon sens une certaine hypocrisie, prompt à condamner les méchants spammers publicitaires un peu trop facilement.