Le 6 mai 2012, François Hollande a été élu pour occuper les plus hautes fonctions de l'Etat. A-t-il été porté à l'Elysée par un vote d'adhésion ou, plutôt, afin que son prédécesseur ne puisse pas rempiler pour un second mandat? L'histoire ne l'a pas encore dit ou ne le dira jamais.

En tout état de cause, et plus particulièrement sur le sujet de la communication, tout le monde était prévenu: le président de la République allait gérer la sienne en solitaire. Amputé, de surcroît, de son efficace directeur de la communication de campagne, Manuel Valls, qui s'emploie désormais à gérer sa stature. Force est de constater qu'en vingt mois, un nombre conséquent d'erreurs a été commis. Lisibilité perfectible, couacs, hiérarchisations contestables, interventions bancales, dissonances répétées, audiences moyennes, le Président n'a, de surcroît, emprunté aucun chemin digital mais privilégié les outils usuels à sa disposition pour partager ses actions.

Le palais de l'Elysée l'isole-t-il au point de l'éloigner progressivement des citoyens? Est-il convaincu, malgré les flots de commentaires critiques - y compris venant de sa propre famille politique - d'avoir raison? Ses hommes de l'ombre manquent-ils d'écoute ou d'autorité? Serait-il une énième représentation d'un pouvoir nécessitant réinvention, d'une habitude à empiler les textes législatifs peu lisibles pour les citoyens, d'une autorité diluée dans les méandres administratifs français?

Les quarante et un mois qui nous séparent de la prochaine échéance présidentielle nous donneront, peut-être, l'explication. Mais puisse le Président se servir de ces trois années et quelques mois pour, au moins, changer dans la forme. Puisse alors sa communication être plus séquencée, plus digitale, plus maîtrisée dans les messages servis aux français, plus incarnée. En synthèse, qu'il endosse, auprès des électeurs, l'habit de président de la République. Les plus récentes études d'opinion montrent clairement qu'ils ne sont pas confiants, à minima, dans sa capacité à présider.

Point de militantisme dans ces propos mais un amour de mon pays qui me pousse, au milieu de nombreux autres acteurs et citoyens, à indiquer que la cote d'alerte est atteinte. Car en y regardant de près, tous les partages des mesures emblématiques n'ont satisfait personne. Ou quasiment. Les emplois d'avenir? Flous. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi? Illisible. La fiscalité? Des allers et retours empreints d'opacité. La réforme des rythmes scolaires? Perçue comme très éloignée des enjeux de l'éducation, thème ô combien au centre de la campagne présidentielle. Le mariage pour tous? Réconciliation utopique entre les anti et les pro. Il eût été, d'ailleurs, probablement efficace que le Président le porte, à titre personnel, davantage.

 

Faire de ses ministres des relais efficaces dans les médias

Ce dernier exemple est symptomatique de la forme qui est celle empruntée par François Hollande. En totale opposition avec celle de François Mitterrand qui, en 1981, a mené le débat sur l'abolition de la peine de mort, contre l'opinion, jusqu'au bout. Sans jamais se déjuger ou tenter un compromis qui aurait mené dans le mur cette réforme pourtant hautement symbolique du septennat à venir.

Le président de la République dit souvent que la forme importe peu. Que le message et les résultats suffisent. Il répudie la mise en scène, l'immédiateté qui façonne notre époque, la maîtrise de l'agenda ou les gourous. Mais François Mitterrand et Jacques Chirac auraient-ils gagné sans Jacques Pilhan? Victor Hugo l'a écrit, «la forme, c'est le fond qui remonte à la surface». Puisse François Hollande s'en convaincre à défaut d'en être certain?

S'il ne doute pas des réformes incluses à son programme, il lui faut désormais, rapidement, les incarner. Maîtriser leurs annonces ou leurs mises en place par les voies médiatiques et digitales. Raconter l'histoire, être l'histoire. Mais surtout, le président de la République doit écouter ce pays qui gronde. Ne plus faire de politique. Oublier sa passion de la fiscalité. Ne plus négocier. Mais entrer dans l'arène. Utiliser Twitter pour maîtriser l'agenda. Faire de ses meilleurs ministres, sur les chaînes d'information en continu, les relais permanents des actions mises en place. Renforcer sa proximité avec la presse quotidienne régionale et la presse étrangère. Utiliser efficacement sa page Facebook dont le dernier post date du... 18 mai 2012. En faire, ainsi, un lien particulier avec les citoyens les plus connectés, d'une part, et un lieu de partage, d'autre part. En somme, écrire, médiatiquement, sa présidence.

Et ce, notamment, pour ne pas donner raison à Paul Valéry qui clamait que «la politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde». Car, en France, quand les citoyens se mêlent de politique, ils ne négocient plus. Ils tranchent.

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