Victoriamilan.fr («Site de rencontres discret conçu pour les personnes mariées & en couple en Europe!») a lancé une campagne publicitaire composée d'un slogan «Laissez libre cours à votre passion, ayez une affaire!» et d'un visuel représentant une femme devant un drapeau français. Le buzz est né car, d'une part, le visuel s'inspire de la photographie de Ségolène Royal en héroïne de «La Liberté guidant le peuple», publiée en octobre 2013 dans Le Parisien, et, d'autre part, la femme ressemblerait fortement à Ségolène Royal. Les médias ont alimenté la polémique en relayant les protestations de cette dernière qui dénonce l'atteinte à son image et à son nom.
Une telle publicité est-elle fautive? Quels sont les risques pour l'annonceur? D'après la jurisprudence, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a sur son image et sur l'utilisation qui en est faite, un droit exclusif. En conséquence, l'utilisation de l'image d'une personne à des fins publicitaires nécessite son accord exprès préalable. En cas d'utilisation sauvage, la faute est constituée. Cette règle s'applique à l'image artificielle enregistrée à partir du réel (photographie, vidéo) ou fabriquée (dessin, peinture).
La particularité de cette publicité est qu'elle ferait référence à l'image mentale de Ségolène Royal. En effet, ni son nom ni son image artificielle ne sont utilisés dans le visuel. La presse a cependant considéré qu'il y avait une «forte ressemblance» entre la femme de l'affiche et la femme politique. L'utilisation d'un sosie peut-il engager la responsabilité de l'annonceur? Il existe un précédent (Jean-Luc Delarue/Choc Hebdo, 23 mars 2007) dans lequel l'emprunt de l'image, du nom et de la voix d'une célébrité par un sosie d'une «ressemblance flagrante» a été sanctionné: le recours à un sosie crée une confusion dans l'esprit du public entre la fiction et la réalité. Il faut néanmoins qu'il y ait «ressemblance flagrante».
Interdire la campagne ?
Pour la campagne en cause, cette question aura probablement peu d'importance car les managers du site ont reconnu, dans la presse, qu'ils faisaient bien référence à Ségolène Royal. Dans ces conditions, il est probable que l'utilisation sauvage de l'image mentale de Ségolène Royal sera considérée comme fautive. Reste à déterminer les risques encourus.
Le premier est celui de l'interdiction de la campagne. En 1970, le président Georges Pompidou obtint l'interdiction de la mise en vente de L'Express tant qu'une publicité y figurant et le représentant n'aurait pas été retirée. Généralement, en cas d'action judiciaire, l'annonceur suspend ou prend l'engagement de ne pas réutiliser la campagne. L'annonceur pourra néanmoins compter sur l'effet «Streisand» par lequel de nombreuses personnes iront sur Internet regarder le visuel pour se faire une opinion sur la pertinence de l'interdiction de la campagne.
Le second risque est celui des dommages et intérêts. Il paraît faible. Il n'y a pas de préjudice matériel car une personnalité politique ne tire pas ses revenus de l'exploitation publicitaire de son image (à la différence d'un mannequin). Dans l'affaire Ryan Air (2008), le préjudice matériel de Carla Bruni (mannequin) a été fixé à 60 000 euros (sur 500 000 euros demandés) et celui de Nicolas Sarkozy a été fixé, au regard de son statut de président de la République, à 1 euro (il avait demandé une indemnisation de principe).
Pour le préjudice moral, tout est une question de contexte. S'agissant de Ségolène Royal, il est paradoxal pour celle qui s'affichait comme «la candidate de la morale, de l'action et de la vérité» de se retrouver l'égérie involontaire d'un site d'infidélité même si les managers du site l'ont choisie parce qu'elle symboliserait une «femme moderne et avant-gardiste», ce qui est plutôt flatteur. Une forte condamnation semble néanmoins peu probable.
Ce type de campagne reste donc juridiquement sanctionnable mais économiquement très profitable au regard du rapport coût financier/coup médiatique.