Annoncée le 20 novembre par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, la décision de remettre à plat le système fiscal français n'échappe pas à la grille de lecture purement politicienne. "Une initiative habile" selon les uns, "un miroir aux alouettes" selon les autres pour rebondir en pleine déprime sondagière. Le ras-le-bol fiscal, la fronde des bonnets rouges et les prochaines hausses de la TVA ont indéniablement incité l'exécutif à passer à la contre-offensive.
Mais selon les sondages publiés sur le sujet, le principe d'un tel projet est jugé favorablement par 68% des Français, selon l'enquête de Harris Interactive diffusée le 25 novembre par la chaîne LC. Ce chiffre s'éléve même à 89% d'après un sondage BVA pour I-Télé du 23 novembre. Quant aux détails des mesures proposées, une étude Ifop pour Le Figaro du 23 novembre souligne également que les deux mesures les plus emblématiques du plan Ayrault sont majoritairement soutenues par l'opinion: 55% pour le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu (-9 points par rapport à 2002) et 54% pour la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Un bémol chez Harris Interactive, seuls 37% seraient favorables à cette dernière mesure, il est vrai que l'institut ne mentionne pas comme l'Ifop une finalité visant à "créer un prélèvement unique plus progressif".
L'impôt juste en question
Toutefois dans son intention générale, le projet paraît d'autant plus légitime que le système fiscal actuel est perçu comme injuste par huit Français du dix, selon l'étude Harris Interactive. Ainsi, ils sont 81% a considérer que la politique fiscale actuelle demande le plus d'efforts aux «classes moyennes» devant les catégories populaires (31%) et les catégories aisées (10%). A noter que les trois quarts des Français «se ressentent» classe moyenne, alors que cette catégorie représente en fait 50% de la population, rappelle BVA. "Le problème n'est pas tant l'impôt lui-même que le principe d'un impôt juste qui est aujourd'hui interrogé", analyse Jean-Daniel Lévy, directeur du département Politique & Opinion chez Harris Interactive.
La tâche se complique davantage encore pour le gouvernement quand on sait que les deux tiers des Français (47% des électeurs de gauche) selon l'Ifop restent sceptiques quant aux chances de succès de Jean-Marc Ayrault pour mener à bien cette réforme. Seuls 26% d'entre eux pensent que la réforme sera juste et encore moins, 23%, estiment qu'elle sera efficace, selon BVA. Alors que le Premier ministre a assuré que cette réforme se ferait à prélèvement fiscal constant, 50% des Français anticipent une hausse du niveau de leurs impôts, 35% une stabilité et 12% une diminution, selon l'Ifop. Un scepticisme entretenu par la faible confiance que l'opinion porte aux différents parties prenantes d'une future réforme selon Harris Interactive: seuls 42% des Français déclarent faire confiance aux syndicats, 30% au gouvernement et 27% aux organisations patronales. "Pourtant, étonnamment il n'y a pas de remise en cause de la parole politique sur ce sujet sensible. Le temps donné à la négociation par le gouvernement est plutôt bien perçu", conclut Jean-Daniel Lévy.