Les 2 et 3 novembre dernier, deux nouveaux portiques de contrôle ont été détruits en Bretagne, portant à cinq le nombre de ces dispositifs démantelés et initialement prévus pour collecter la fameuse "écotaxe". Conçue lors du Grenelle de l'environnement afin notamment de financer les modes alternatifs de transport, la taxe poids lourds a du plomb dans l'aile. Face à la pression de la rue "bretonne", le gouvernement a décidé, le 29 octobre, de suspendre la mesure et d'engager une concertation.
L'enjeu financier est de taille: si l'écotaxe était supprimée, cela coûterait 800 millions d'euros de dédommagement pour la société privée Écomouv, chargée de sa collecte. Cette dernière, votée par le précédent gouvernement, fait désormais l'objet de toutes les critiques.
Le socialiste François Rebsamen évoquait le 4 novembre, dans le quotiden L'Opinion, "des conditions de passation désavantageuses pour l'État". Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, annonçait dans la foulée que "cette société ne s'est pas acquittée de ses responsabilités (...) nous serions fondés à la mettre en cause". Les critiques fusent au sein même de l'opposition, de l'ancien ministre Xavier Bertrand à la députée européenne Rachida Dati, en passant par le président de l'UMP Jean-François Copé.
La décision du Premier ministre Jean-Marc Ayrault de suspendre l'écotaxe a été très majoritairement approuvée par les Français (67%), selon un sondage CSA pour BFMTV publié le 30 octobre. Même son de cloche le lendemain dans une enquête Opinionway pour Tilder/LCI: 60% des Français approuve la supsension.
Le 31 octobre, un autre sondage Opinionway, cette fois pour Le Figaro Magazine, rappelait que, dans le cadre de la réduction des déficits publics, les Français plébiscitaient la baisse des dépenses publiques (96%) plutôt que la hausse des impôts (4%).
"Il y a encore un an, le recours aux impôts était majoritairement accepté. Nous sommes aujourd'hui arrivé à un point de rupture. La pression fiscale est désormais le premier sujet de préoccupation des Français, au niveau local, devant la lutte contre la délinquance", déclare Yves-Marie Cann, directeur-adjoint du Pôle Opinion Corporate à l'institut CSA.
En pointe dans la contestation, les Bretons sont plus de la moitié (56%), ouvriers, employés et séniors en tête, à se dire «révoltés» face à la situation économique et sociale actuelle de la France, et près d'un tiers (31%), plutôt les jeunes, à être «résignés», selon un sondage Ifop/Dimanche Ouest France publié le 27 octobre.
"En moins d'un an, le moral des Bretons, rattrapés par les annonces successives de suppressions de postes chez Gad, Doux, PSA, Alcatel-Lucent, Zeiss..., s'est fortement dégradé. L'écotaxe a été la goutte qui a fait déborder le vase", analyse Jérôme Fourquet, directeur du Département Opinion et Stratégies d'entreprise de l'Ifop. "Au regard de la cristallisation de mécontentements aussi hétéroclites en Bretagne, le gouvernement n'est pas à l'abri d'une contagion nationale", conclut Yves-Marie Cann.