Si l'on compare la démographie et les comportements de la population chinoise à ceux d'Occident sur les plateformes sociales, deux différences majeures émergent. D'une part, sur 100 personnes sur les réseaux sociaux à l'Ouest, une seule crée réellement des nouveaux contenus, 9 commentent et partagent ce contenu, et 90 sont des spectateurs passifs. Alors qu'en Chine, 30 créent des contenus originaux, 50 les commentent et partagent, et seulement 20 d'entre eux sont des spectateurs passifs. D'autre part, la population sur les médias sociaux à l'Ouest a en moyenne 25 ans, contre 35 en Chine. De plus, la population au revenu élevé à l'ouest a plus de 50 ans quand elle a moins de 40 ans en Chine.
En Occident, il résulte de ces tendances un très faible chevauchement entre la population sur les médias sociaux et les consommateurs d'où les difficultés de Facebook à monétiser sa plateforme. A l'inverse, ce même chevauchement est très important en Chine, faisant des plateformes sociales un champ de bataille naturel pour les marques.
Ces données n'expliquent pas pour autant pourquoi les Chinois sont d'avides créateurs de contenu contrairement aux Occidentaux. Sur ce point, nous devons revenir à l'origine du développement du social media dans ces zones. Celui-ci commencé aux Etats-Unis grâce au désir des diplômés d'université de rester en contact. Il a décollé en Europe sur les mêmes bases, mais a commencé en Chine sur des termes différents. Là-bas, la population chinoise, isolée par l'immensité du pays et le manque de vie sociale familiale résultant d'une politique d'enfant unique, a sauté sur ce nouvel outil pour redéfinir des liens sociaux et créer de nouvelles communautés au dépend des autorités, des médias et des institutions en lesquelles ils n'avaient pas confiance.
Epine dorsale
Il en résulte 300 millions de personnes avec un pouvoir d'achat et un énorme besoin de consommation se connectant pour rassembler des informations et des avis de leurs égaux. Des gens qui ne pourront jamais envisager l'acte d'achat sans avoir rassemblé au préalable toutes les informations existantes sur Internet. 74% des internautes chinois ont accès à Internet depuis leur mobile chaque jour et 75% des internautes postent des commentaires/notes au moins 1 fois par mois, alors que ce chiffre est inférieur à 20%* aux Etats-Unis. Les médias sociaux sont une petite partie de toute l'activité marketing globale de l'Occident, et c'est l'épine dorsale de tout engagement de marque en Chine.
L'univers du luxe a parfaitement compris le rôle fécond que peuvent jouer les réseaux sociaux en Chine. En effet, les e-consommateurs de produits de luxe en Asie sont généralement plus jeunes que leurs homologues occidentaux. Ils sont donc plus friands de nouvelles technologie; les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans le parcours d'achat.
Des marques de beauté comme Lancôme et Yue-Sai l'ont bien compris et diffusent régulièrement sur Meilishuo et Mogujie (similaires à Pinterest). La marque Coach, elle, met en évidence son site e-commerce via Weibo en postant des images avec des liens directs pour effectuer directement un achat sur sa boutique en ligne chinoise. Au-delà de fortifier l'image de marque, de créer du trafic vers les sites marchands, cela permet également de mieux authentifier les marques de luxe, de rassurer le client et ainsi de lutter contre la contrefaçon.
En général, les marques occidentales n'exploitent pas la prédisposition sociale des internautes chinois, et c'est en grande partie les acteurs locaux qui ont adopté une composante sociale sur leurs plateformes e-commerce, ayant compris que le contenu généré par l'utilisateur est encore plus important en Chine qu'ailleurs. Les entreprises occidentales devraient arrêter de penser que les entreprises chinoises copient simplement ce qu'elles font sur les médias sociaux ou le e-commerce; ils le font, mais ils améliorent, ajoutent des fonctionnalités. En conséquence, Weibo est beaucoup plus sophistiqué que Twitter, et Weixin révolutionne tranquillement le paysage médiatique social, avec déjà 500 millions d'abonnés en Chine.
La Chine a dix ans d'avance sur le monde occidental quand il s'agit de médias sociaux car cette population de moins de 25 ans qui compose actuellement le cœur de la population social media à l'Ouest gardera ses habitudes de consommation sociale quand ils atteindront 35/40 ans avec une famille et un vrai pouvoir d'achat, alors que l'origine du besoin et du comportement sont très différents à l'Ouest et en Chine, ils vont se croiser dans le futur. Les marketeurs de l'Ouest seraient sages d'anticiper la tendance.