La fusion Publicis-Omnicom est symptomatique d'une mutation de l'écosystème marketing. Ce sujet a été central dans les échanges qui ont eu lieu entre les consultants en marketing et les patrons des agences qui structurent le marché publicitaire, à l'occasion de l'Adforum Summit, qui s'est tenu à New York du 7 au 12 octobre 2013.
Alors que le Web a fêté ses vingt ans, la technologie numérique continue de provoquer de profondes mutations du comportement des consommateurs. Dans un marché saturé d'offres qui tendent à se ressembler, la quête du consommateur et de son pouvoir d'achat reste au cœur des préoccupations. Connaissance client et data management, mutation de la distribution, ouverture internationale sont les trois problématiques majeures des annonceurs. A la recherche de solutions opérationnelles, les marques se tournent vers leurs partenaires, les agences de communication, qui leur apportent des réponses partielles.
Les agences de réseau international restent les partenaires privilégiés des marques mondiales. Pour simplifier l'interface, elles constituent des équipes pluridisciplinaires ad hoc. Au sein du groupe WPP, par exemple, l'équipe Red Fuse en charge de Colgate est composée de Y&R (publicité), Landor (design), MEC (média), Wunderman (CRM), Bravo (360).
La course à la croissance que se livrent les agences au travers des holdings pose la question de la qualité de service qui sera délivré aux annonceurs dans des structures si importantes. Maurice Lévy, CEO de Publicis Groupe, justifie la fusion avec Omnicom par la nécessité de disposer de la taille critique permettant de mobiliser des ressources technologiques et humaines considérables pour répondre aux annonceurs en matière de management des données.
Les agences interactives ont aussi fortement évolué pour répondre aux problématiques d'émergence dans le domaine digital. Les savoir-faire en création de contenu et stratégies de contact convergent. Les agences se dotent d'une expertise sur les réseaux sociaux. Mais le savoir-faire digital perd de sa spécificité alors qu'il se diffuse dans tous les métiers.
Le marketing expérientiel en plein essor
Le métier des agences médias a également été profondément transformé par l'usage de la technologie: les «trading softwares» se développent pour traiter la fonction achats. Les annonceurs s'interrogent alors sur les gains de productivité possibles grâce à cette technologie et aux volumes d'achat gérés par des «holding companies» plus grandes.
Les agences de «shopper marketing» voient leur rôle renforcé pour répondre à la pression de l'e-commerce sur les distributeurs. Elles adoptent des technologies numériques pour scénariser le point de vente, véhiculer les offres ou encore développer des techniques de marketing expérientiel. Au plus près du consommateur, cette discipline connaît un fort développement.
Pour profiter de cette opportunité, les holdings restructurent leur offre, à l'instar d'Ogilvy Action qui se rebaptise pour former Geometry. Historiquement jugées tactiques avec une capacité opérationnelle d'envergure, ces agences se dotent d'une forte dimension stratégique. Cette évolution est à la fois une opportunité et une menace pour les annonceurs, qui perdent leurs points de repère avec leurs partenaires.
Pour rester compétitives, les agences vont devoir continuer leur mue et se doter de talents mais aussi d'outils technologiques. Deux domaines qui vont nécessiter de lourds investissements. En concurrence avec les cabinets de conseil sur la partie stratégique du marketing, mais aussi avec les opérateurs de technologie tels que Salesforce, leader mondial du CRM, sur la partie production, leur valeur ajoutée est remise en question.
Les annonceurs vont-ils soutenir leurs partenaires historiques? Dans cette époque de perte de repères et de quête de productivité, les services achats des clients exercent une forte pression sur les marges des agences. Cette approche financière des annonceurs oublie souvent de prendre en considération que le marketing est un investissement au service du développement, et non un coût.