Le constat peut paraître décourageant : l'image des grandes marques est en berne et celle de la publicité ne cesse de se dégrader. Ce sont de fait les principaux enseignements de la 10e édition du baromètre Publicité & Société de l'agence Australie réalisé par TNS. Mais cette étude révèle aussi que "les Français ne condamnent pas la publicité en soi : ils marquent leur désapprobation vis-à-vis de ce qu'elle est devenue, regrettant sa créativité passée, et attendent qu'elle présente de nouveau de l'intérêt, tant sur son fond que sur sa forme".
Le contexte économique et social mais aussi l'essor d'Internet ont radicalement changé la donne. Le pessimisme ambiant (29% des Français se déclarent aujourd'hui optimistes quant à leur niveau de vie contre 51% en 2004) font chuter l'envie de dépenser (57% contre 68%), les courses hebdomadaires devenant même une corvée pour 62% (+8 points en dix ans).
Ces chiffres traduisent une tendance plus profonde liée à une plus grande "maturité du rapport à la consommation des Français", assure Australie, "ceux qui déclarent avoir les moyens de dépenser avouent aussi ne plus en avoir envie". Les nouvelles technologies n'y sont pas étrangères. Elles ont en effet modifié en profondeur les façons d'acheter et de consommer. "Le consommateur décodent parfaitement les messages", note Jérôme Leclabart, directeur général de l'agence.
Pour les marques, le constat est inquiétant. Les Français y sont de plus en plus indifférents (65% en 2013 contre 59% en 2004). Les consommateurs estiment qu'elle ne s'adressent pas à eux de manière respectueuse et intelligente: seuls 46% disent qu'elles leur parlent
comme à quelqu'un d'important (-5), 41% comme à un adulte (-15) et 30% comme à quelqu'un d'intelligent (-14).
"La rhétorique publicitaire est perçue comme trop infantilisante", constate Fabien Biasutti, directeur des stratégies d'Australie. "La famille niaise qui déguste un nouveau produit, ça ne fonctionne plus", renchérit Jérôme Leclabart. L'image de la publicité se dégrade davantage que celle des grandes marques: elle passe de 4,7/10 en 2004 à 4,2 en 2013. Le nombre de publiphiles diminue (de 20% à 14%) au profit des publiphobes (de 25% à 33%).
La démultiplication des supports publicitaires avec le Web notamment a banalisé la publicité (64% aujourd'hui contre 57% des Français). Le public la perçoit comme plus envahissante (79% contre 73%) et intrusive (85% contre 78%). Jugée moins audacieuse et provocante, la publicité est aussi moins distrayante (48% contre 54%) et moins convaincante (47% contre 54%).
Une petite lueur d'espoir: 71% la jugent utile et/ou agréable. Elle joue pour eux un rôle d'information et d'accès à l'acte d'achat. "Sur dix ans, une majorité de Français a toujours donné à la publicité une note égale à 5 ou plus (53,5% en 2013)", tempère Fabien Biasutti. "Cette étude est avant tout une critique de l'absence de prise de risque et une incitation à l'audace", conclut-il. Un volontarisme d'autant plus payant en période de crise que la majorité des marques tendent à dupliquer les vieilles recettes.