La communication du pouvoir est radicalement différente de la communication électorale. L'une est durable, ingrate, controversée, l'autre est momentanée, spectaculaire et projective. François Hollande a remarquablement réussi sa campagne présidentielle autour du slogan "Le changement, c'est maintenant". Il a bien mesuré alors le sentiment dominant dans l'opinion qui consistait à souhaiter une alternance au sarkozysme. Mais, une fois au pouvoir, ce socle de message ne pouvait plus fonctionner.

 

D'une part, compte tenu de l'ampleur de la crise et des impératifs de redressement des comptes publics, la politique économique et sociale du nouveau gouvernement n'été perçue que très marginalement comme un changement positif pour les Français. Et tandis que l'opinion ressent un sentiment d'urgence face aux suppressions d'emplois et aux efforts demandés pour rétablir la compétitivité des entreprises, "le changement, c'est maintenant" résonne comme une promesse non tenue. Du coup, paradoxalement, il devient un argument utilisé par tous les opposants qui manifestent, à droite ou à gauche, contre la politique de l'exécutif !

 

D'autre part, François Hollande n'a pu incarner qu'un changement de forme avec une présidence réputée « normale ». Il a choisi de se différencier clairement de Nicolas Sarkozy en essayant de réhabiliter la délibération politique face à l'agitation communicationnelle. Il voulait rompre ainsi avec une stratégie présidentielle du spectacle et du contrôle permanent de l'agenda médiatique. Mais il est allé trop loin. En jetant le bébé de la communication avec l'eau du bain sarkozyste, il a négligé les ressorts indispensables pour faire partager aux Français le sens de son action.

 

Le Président rencontre aujourd'hui trois difficultés majeures. D'abord, l'organisation de la communication du pouvoir n'est pas suffisamment coordonnée, ce que montrent les innombrables couacs depuis seize mois. Quand le Président prend l'initiative courageuse - et plutôt réussie - de retourner s'expliquer devant les sidérurgistes de Florange, après l'épisode calamiteux de novembre 2012, son message est instantanément brouillé par la polémique sur les Roms lancée le même jour par sa ministre Cécile Duflot ! Pour être audible, encore faut-il créer les conditions d'une émergence optimum.

 

Ensuite, la stratégie de contenus de l'exécutif laisse parfois à désirer, comme l'a révélé la présentation du budget de 2014. C'est évidemment une grossière erreur de placer au cœur des éléments de langage la notion de « pause fiscale » quand les Français, dans leur très grande majorité, reçoivent des feuilles d'impôts en hausse et ont le sentiment d'une augmentation générale des taxes. Pour être compris - c'est une règle de base de la communication - il faut commencer par s'interroger sur les perceptions et les représentations de ceux à qui l'on souhaite parler...

 

Enfin, le Président n'a sans doute pas encore pris la mesure des enjeux d'une relation plus directe avec ses concitoyens. En témoignent le caractère très convenu et professoral de ses interventions télévisées depuis le début de son quinquennat, le manque d'empathie qu'il réussit à construire avec les Français lors de ses déplacements en province et, surtout, l'absence de toute stratégie de contact et de dialogue à travers l'usage d'Internet ou des réseaux sociaux. C'est le point central des difficultés qui explique, en partie, sa si faible popularité. Barack Obama, et même Angela Merkel, dans des modes pourtant fort différents, ont compris tous les bénéfices d'image qu'ils pouvaient tirer d'une communication de relation et pas seulement d'explication.

 

D'autant que l'enjeu central, pour un gouvernement en période de crise, est de faire comprendre le lien qui existe entre l'infiniment lointain, pour les citoyens, de décisions macro-économiques souvent peu lisibles, et l'infiniment proche de leur quotidien, souvent marqué par l'angoisse du chômage et la peur du déclassement. C'est un exercice difficile qui suppose de quitter le seul registre de la pédagogie pour aborder celui de l'attachement.

 

Or, François Hollande fait le pari que la raison et les résultats finiront par emporter l'adhésion des Français, dont la défiance n'a pourtant jamais été aussi grande vis-à-vis des gouvernants. Il oublie que la communication ne se réduit pas à l'explication, que c'est un métier d'écoute, de langage, de contact. Et que la conviction est affaire d'expérience, de moment et de relation. Le pouvoir politique, en France, est bien à la traîne des marques et des entreprises !

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