Drôle d'histoire de dentier! Le 17 septembre, le Défenseur des droits Dominique Baudis – soutenu par la ministre déléguée aux Personnes âgées Michèle Delaunay – a demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le retrait d'une publicité pour les chips Lays au motif qu'elle «portait atteinte à la dignité des personnes âgées». Pour illustrer leurs qualités gustatives – la version française est diffusée sans parole mais l'original américain dit qu'elles sont «naturellement irrésistibles» –, Lays met en effet en scène un couple de personnes âgées qui se dispute un paquet de chips sur fond de musique latino. Dans la mêlée, le monsieur perd donc le fameux dentier. C'est cela, apparemment, qui n'a pas plu à Dominique Baudis.

Une telle démarche est rarissime – sans doute même inédite – et cela pour une raison toute simple, c'est que la publicité est déjà sérieusement contrôlée. Il y a d'abord l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). L'an dernier, et rien que pour la télévision, ses vingt-deux salariés ont visionné plus de 20 000 pubs avant qu'elles soient diffusées. Et dans le cas où un spot passe à travers les mailles du filet, mais prête à controverse lors de sa diffusion, c'est en général le CSA qui se saisit du dossier. Ces derniers jours, par exemple, il a eu à se prononcer sur le film sur la prévention de l'éjaculation précoce dans lequel on voit une allumette qui s'enflamme un peu trop vite.

En pensant au dentier, et à la colère qu'il a provoquée, on peut se demander si Dominique Baudis aurait laissé Marie-Pierre Casey faire glissade de son corps sur une grande table de salle à manger pour Pliz, s'il aurait empêché Germaine de courir après son Léon de mari fasciné par le train Panzani, ou encore s'il aurait accepté les menaces de mort de César à l'encontre de Solcarlus, alias Jean-Marie Proslier…

Pour le dire autrement, il serait regrettable que le politiquement correct conduise à ne plus mettre en scène de personnes âgées, même dans des situations un peu décalées, et que la publicité en soit réduite à se concentrer sur de jeunes et frétillants top models placées dans des situations parfaitement orthodoxes. La pub y perdrait en efficacité ce qu'elle y laisserait en créativité. Et au-delà, la société n'aurait rien à gagner d'un reflet aussi déformant et peu conforme à la diversité de ce que nous sommes. Et sur ce point, je pense m'être trouvé une alliée dont le sourire et les rides sont encore dans toutes les têtes. «Ça, c'est vrai», comme dirait Mère Denis!

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