Un parapluie Deauville? Une crème solaire Saint-Tropez? Si Paris est un parfum, Champagne reste l'appellation exclusive de ce vin effervescent français produit en Champagne, protégé par une appellation d'origine contrôlée. Alors, comment savoir si l'on peut choisir Evian, Chicago, Laguiole, à titre de marque pour désigner un tee-shirt, des soins, du fromage? Au fil du temps, de l'évolution du droit et des débats judiciaires, se dessinent trois limites.
La première limite réside dans le caractère de fantaisie que doit revêtir le nom géographique choisi à titre de marque: il ne doit en effet présenter aux yeux des milieux intéressés aucun lien avec la catégorie des produits concernés. En cas de conflit, le juge appréciera si le nom géographique présente au moment de son dépôt à titre de marque «aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits concernés» mais aussi s'il est «susceptible d'être utilisé dans l'avenir par les entreprises intéressées en tant qu'indications de provenance géographique de la catégorie des produits en cause».
Telle est la solution retenue par l'arrêt Windsurfing Chiemsee rendue par la Cour de justice des Communautés européennes le 4 mai 1999. Ont ainsi été jugées valables les marques Aoste pour désigner des produits de charcuterie, Chicago pour désigner des vêtements, St Petersbourg pour désigner des produits de joaillerie, et même La Moutarde de Meaux pour désigner de la moutarde. S'agissant de cette dernière marque, les juges ont considéré qu'elle était distinctive en raison de l'absence totale de notoriété de la Ville de Meaux dans le domaine des moutardes à l'époque du dépôt de la marque, par opposition à la ville de Dijon.
La deuxième limite réside dans l'obligation que le nom géographique ne présente pas un caractère trompeur ni parasitaire. En effet, la marque géographique ne doit pas induire le public en erreur sur la provenance géographique du produit ou du service concerné, ce qui n'était pas le cas de la marque Brazil pour du café ne provenant pas du Brésil. La marque géographique ne doit pas non plus constituer un acte de parasitisme.
Tel a pu être le cas et jugé en ce sens pour des marques adoptant ou utilisant une appellation d'origine qui, par essence, a un caractère notoire. Dans ce cas, la détourner de sa désignation d'origine peut aboutir à en affaiblir la notoriété et caractériser de la part du déposant la volonté de se placer dans son sillage en promouvant son propre produit par référence à l'image véhiculée par l'appellation d'origine. Tel fut le cas dans la fameuse affaire Champagne d'Yves Saint Laurent qui a abouti à interdire à Yves Saint Laurent l'usage du terme pour désigner son parfum, dont le flacon était par ailleurs fortement inspiré d'un bouchon de champagne.
Enfin, la troisième limite résulte de la règle applicable à toutes les marques: qu'elle soit disponible, c'est-à-dire qu'aucun tiers ne l'ait antérieurement déposée et exploitée pour les mêmes produits ou services. Notamment, le nom géographique a pu être déposé à titre de marque par la commune elle-même ou par un tiers qui l'aurait déjà, licitement, adopté pour désigner des produits ou services.
Ainsi, la commune de Laguiole n'a pas pu ni déposer ni récupérer la marque Laguiole qui avait été utilisée pour des produits et services sans lien avec leur origine géographique, Deauville est titulaire de 22 marques incluant Deauville dont certaines sont données en licence à des tiers. Quant à la commune de Saint-Tropez, elle est titulaire de 42 marques incluant le terme Saint-Tropez.
Les conflits se multipliant et étant délicats et parfois difficiles pour les collectivités territoriales, un projet de loi est à l'étude. Il permettrait que celles-ci soient informées au plus tôt des demandes d'enregistrement d'une marque incorporant leur dénomination. Les collectivités pourraient alors, sans être elles-mêmes titulaires de «leur» marque, s'opposer à ce dépôt.

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