Vendredi 21 mars, la nouvelle tombe. Un jeune homme est décédé d'un arrêt cardiaque sur le tournage de Koh Lanta. Dès les premières heures, la communication de TF1 et d'Adventure Line Productions est cadrée, respectant les codes habituels d'une bonne communication de crise.

On joue la transparence d'abord, jusqu'aux détails des crampes ressenties par le candidat avant d'être pris en charge; puis mise en place d'une cellule de crise, communiqué de presse, décision d'arrêter le tournage, mise en place d'une cellule psychologique sur place, condoléances à la famille, annonce d'une enquête des autorités sur les circonstances de la mort du candidat, rapatriement de chacun, accueil de la famille sur place.

TF1 et ALP donnent ainsi le sentiment d'avoir évité l'essentiel: la polémique. Surtout, les autorités cambodgiennes mettent fin à l'enquête, estimant qu'il s'agit d'un décès naturel et, une fois n'est pas coutume, le temps judiciaire va plus vite que le temps médiatique.

Mais c'était sans compter sur de nouveaux rebondissements après que le site Arrêt sur images publie les révélations de l'un des employés de la production, mettant en cause le comportement de son employeur et du médecin sur place au moment même où se nouait le drame. Le parquet de Créteil décide alors d'ouvrir une enquête pour homicide involontaire. De son côté, ALP annonce qu'elle porte plainte en diffamation contre Arrêt sur images. Et, terrible nouvelle lundi 1er avril, le médecin de l'émission met fin à ses jours.

Le temps médiatique reprend alors ses droits sur le temps judiciaire tandis que s'enchaînent les annonces de mort clinique de l'émission. L'ensemble faisant de facto de la stratégie de communication de l'émission l'élément déterminant de son avenir. TF1 et ALP sauront-ils maîtriser le feuilleton médiatique et proposer à leurs téléspectateurs un positionnement moins aseptisé pour Koh Lanta?

C'est vers France Télévisions qu'il faut se tourner pour trouver la réponse. Car, entre les «morts» du Rallye Dakar et les «dopés» du Tour de France, il y aurait eu matière à faire des cauchemars.

Or, si aujourd'hui ces émissions sont encore diffusées avec leur pactole de téléspectateurs, c'est que la communication qui les accompagne s'est elle aussi adaptée. Le storytelling des organisateurs et du diffuseur a su nettement évoluer pour en garantir la pérennité. A savoir que le rallye le plus populaire du monde est une aventure extrême, ouverte à tous, mais avant tout aux plus aguerris. La posture est désormais assumée.

Sont également valorisés et mis en scène les systèmes de sécurité les plus en pointe pour limiter les risques et aller au bout de cette logique. Plus un Dakar sans que soit rappelé le nombre d'hélicoptères et de voitures médicales, de médecins sur place... Les portes du back office sont ouvertes aux journalistes, le «poste de contrôle» en accès libre. L'aventure du Rallye continue.

Amaury Sport Organisation, diffuseurs et fédérations communiquent également largement sur le combat mené pour protéger le sport populaire qu'est le cyclisme. Le jeu en vaut la chandelle, le Tour de France - son fer de lance - reste le troisième événement sportif le plus suivi au monde après la coupe du monde de football et les Jeux olympiques. La encore, alors que certains réclament la tête du programme, ceux qui le proposent mettent en scène les réponses apportées.

Dans un cas comme dans l'autre, la pérennité du spectacle, sa tenue et sa diffusion ont largement été accompagnées par une adaptation du positionnement du jeu et de ses messages à l'attention du public. Dans un cas comme dans l'autre, on ne se cache plus. Dès lors la critique n'a plus d'impact, et si l'audience est au rendez-vous...

C'est donc bien de la juste perception par les Français de Koh Lanta, de la stratégie de communication et de son positionnement assumé que dépend l'avenir de ce programme: du jeu d'aventure pour tous à... l'aventure extrême sur TF1. Il en a en tout cas déjà tous les ingrédients: candidats, dépassement de soi, émotions, rebondissements, suspens et final haletant.

A moins que la gestion de la communication des premières heures de crise n'ait finalement dérogé à l'implacable règle de la vérité. L'enquête le montrera. Auquel cas le temps judiciaire finira par rattraper le temps médiatique et alors, il aura eu raison de la télé réalité préférée des Français.

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