Les temps sont trop durs pour les postures généreuses: ce n'est plus ce que demandent les
Français aux entreprises, qu'elles soient citoyennes ou non (1). Leur ont-ils jamais demandé de l'être, d'ailleurs? On peut en douter dans un pays où la méfiance vis-à-vis des grandes entreprises n'est pas à proprement parler nouvelle… Cela veut-il dire que les Français ne sont plus en attente de rien d'autre que de discours prix ou d'offres ultracompétitives? Que leur pragmatisme de consommateurs avisés et financièrement sous pression exclut, sous la contrainte de la crise, toute autre considération que marchande – comment les entreprises peuvent-elles me permettre de payer moins cher? Non. En fait, c'est exactement l'inverse qui se produit. Pour trois raisons qu'il n'est plus possible d'ignorer.

Première raison, évidente: avec le Web, l'opinion ne s'est jamais autant interrogée sur les entreprises, et jamais lui répondre n'a été aussi nécessaire. Quoi d'étonnant à ce que 41%
seulement des Français déclarent aujourd'hui leur faire confiance pour «améliorer vraiment leur vie quotidienne» (2), pour faire changer les choses dans le bon sens? La multiplication des moyens de communication et d'expression crée pour elles autant de facteurs de déstabilisation. Refuser de répondre à ce questionnement permanent, qui porte autant sur la performance économique que sur le comportement de l'entreprise au sein de la société, c'est prendre le risque d'un isolement qui, à terme, n'a rien de splendide. Accepter que 17% des Français seulement considèrent que les entreprises se préoccupent de leur vie quotidienne alors qu'à 81% ils estiment qu'elles peuvent vraiment faire quelque chose, c'est courir un grand risque. Celui d'enfermer l'entreprise dans ce qu'ils voient de plus en plus comme la tour d'ivoire des élites, des riches, des puissants. Et de les enfermer, eux, dans une posture de perdants ou d'opposants.

Deuxième raison: quand la peur de perdre son emploi est aujourd'hui devenue obsédante, quand les tensions du marché du travail font craindre à ceux qui en ont encore un de voir le rapport de force avec les employeurs devenir structurellement défavorable, il faut répondre. Seulement 25% des Français seraient dissuadés d'acheter un produit ou un service à une entreprise qui mettrait en œuvre des licenciements économiques. Mais 63% d'entre eux seraient dissuadés d'acheter à une entreprise qui emploierait illégalement des travailleurs. Demander aux entreprises de «faire du social»? Non. Leur demander d'être exemplaires en temps de crise, de répondre à la demande de règles du jeu économiques plus équitables et plus respectueuses de chacun, consommateur comme salarié? Oui. Plus que jamais.

Troisième raison: quand la crise fait craindre à beaucoup la fin de l'Etat providence, quand 85% de nos compatriotes attendent plus d'implication des entreprises dans l'amélioration de leur vie, ne pas répondre à leur demande de considération et de soutien serait une folie. Et une opportunité formidablement gâchée de faire changer le regard qu'ils portent sur elles. Seuls 41% des Français font confiance aux entreprises pour améliorer leur vie quotidienne? C'est déjà mieux que 26%, le pourcentage de ceux qui font confiance aux pouvoirs publics pour changer les choses. Pouvoir d'achat, santé, qualité de vie au travail: quand on se met à leur écoute, les Français savent dire sur quoi ils attendent les entreprises. Et pourquoi ils en attendent aujourd'hui autre chose que des bons produits, des marques sympas et des promos canons, même s'ils n'en attendent pas tout: «Puisque notre système est à la dérive et que les dépenses publiques ne cessent de croître, ce sont les entreprises qui doivent faire preuve d'initiative dans les domaines de la santé, du pouvoir d'achat, de la famille. Les entreprises n'ont pas vocation à jouer entièrement ce rôle-là, mais bon, force est de constater qu'il serait pourtant nécessaire qu'elles participent à l'effort commun.»

Difficile d'être plus clair. «Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent.»

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