La décision de TBWA Paris de supprimer la fonction de directeur de la création (lire aussi page 28) a provoqué de nombreuses réactions chez les publicitaires, en particulier parmi les créatifs. Voici une sélection de points de vue recueillis sur Facebook, que nous reproduisons avec l’accord de leurs auteurs.

Nous, créatifs, sommes coupables…

La décision de TBWA de ne plus avoir une direction de la création est symptomatique d'un malaise qui ne va faire qu'empirer. (…) Loin d'une réaction qui pourrait être traitée de corporatiste, je veux ici parler de ce que nous sommes, de ce que nous faisons et de ce que notre métier doit devenir. Comme le disait John Hegarty aux Creative Mornings: «Creative have to be at the top of the agencies.» (…)

Nous, créatifs, sommes coupables d'avoir laissé d'autres tenir pour nous les cordons de la bourse. C'est pour cette raison de responsabilité créative que j'ai toujours voulu m'investir et investir dans les agences dans lesquelles j'ai travaillé. Nous créons la valeur avec nos idées et nous devons être les premiers concernés par le chiffre d'affaires et par la rentabilité. Malheureusement, peu d'entre nous ont choisi la voie de l'entrepreneuriat ou de la responsabilité.
Aujourd'hui, cela devient crucial. Le métier de directeur de la création est l'endroit le plus réjouissant et le plus dur dans une agence. On est au centre de tout. La pression est grande. Les épaules doivent être larges, l'esprit doit être libre, mais il faut savoir aussi jouer de la calculette et être suffisamment psychologue pour gérer les rêves des créatifs et les rêves des clients. (…)

On peut se dire qu'après tout, on vivra mieux dans une agence où il n'y a que des patrons qui n'ont jamais trouvé une idée, mais qui ont la capacité de gérer. Mais c'est illusoire et dangereux pour notre industrie. Il est urgent pour les créatifs de mesurer l'importance de leur rôle et de le revendiquer haut et fort. (…)

Le contexte économique et la profonde mutation que vit notre métier rend notre combat encore plus difficile. Pourquoi s'emmerder avec des idées et, encore pire, avec des gens qui en ont alors qu'on peut faire autrement. Le «big data» ne remplacera jamais la «big idea». Jamais la création n'a jamais été aussi importante pour les marques.

Alors, plutôt que de supprimer la fonction, il va falloir vous habituer à nous avoir en face. Car nos idées seront toujours plus fortes que vos organigrammes, parce que nous avons pris la tête de plusieurs agences. Je fais le pari que celles qui gagneront demain seront gérées par nous.
Pascal Grégoire, cofondateur, coprésident et directeur de la création de La Chose
(texte intégral sur stratégies.fr)

 

N'écouter que sa conviction
Le vrai problème, c'est qu'aujourd'hui un client considère une agence comme un fournisseur qui doit lui proposer un produit qui marche à tous les coups, comme une voiture. Malheureusement, malgré tous les tests, études et autres enfumages, rien ne garantit qu'une campagne marchera. C'est le propre de la création. Rien ne garantit qu'une chanson se vendra ou qu'une peinture plaira. Celui qui l'achète doit prendre le risque en n'écoutant que sa conviction. Et il y a un certain nombre de millions d'euros au-delà duquel la conviction a du mal à l'emporter sur les diktats des actionnaires. Alors, quand ce sont les études qui décident, les tests qui tranchent, alors oui, c'est vrai, on n'a plus besoin de directeurs de création, mais on n'a plus besoin non plus ni d'agence ni de dircom…
Bernard Naville, directeur de création free lance

 

L'excellence et l'industrie
Quelle ironie de la part de l'agence [BDDP, devenue TBWA] qui vu naître une légion de directeurs de création importants depuis vingt ans: Rémi Babinet, Olivier Altmann, Antoine Barthuel, Rémi Noël et Eric Holden, Guillaume Chifflot, Xavier Beauregard, Bruno Delhomme, Jorge Carreno, Robin de Lestrade, Eric Helias, Guilhem Arnal… et votre serviteur, qui vient de créer son agence parce que je ne vois pas d'autre solution qui garantisse la liberté et l'indépendance d'esprit nécessaires à la créativité, seule vraie créatrice de valeur pour les clients. (…) Les Wieden & Kennedy, BBH, Droga 5, Mother, Sid Lee, toutes fondées par des créatifs, se vendent deux fois plus cher aux clients que les agences dirigées par des commerciaux financiers. Il y a l'excellence et l'industrie, ce n'est pas le même métier.
Ghislain de Villoutreys, fondateur de People We Like

 

Le mouton à 5 pattes
Trouver un directeur de la création qui soit à la fois un bon patron créatif, un bon dirigeant d'entreprise et quelqu'un qui comprenne un minimum le digital, c'est chercher le mouton à 5 pattes. Il y en a peu sur Paris et je pense que le choix de TBWA est davantage structurel, probablement temporaire, et vise à faire monter entre temps plein de directeurs de création talentueux là-bas, chacun sur son expertise.
Nicolas Lévy, directeur du planning stratégique de Marcel

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