C’est marrant comme la communication aime les mots, joue avec : les gonfle, les exploite, les triture puis les brûle. On adore surtout les mots fourre-tout, les mots concepts, ceux qu’on accuse d’être valises... La diversité en est un magnifique. C’est passionnant l’histoire des mots, et l’étymologie de celui-ci est confondante car il a deux signifiants. En premier lieu « l’état de ce qui est varié », mais en même temps le « caractère de ce qui est opposé, contradictoire ». Et oui, normal, la diversité, c’est le résultat de différences mises ensemble. Ça se tient.
Mais alors, qu’est-ce qui gratte dans ce mot là, dans notre façon de l’aborder, de le nourrir, de le représenter ? Peut-être, en fait, en l’utilisant, pensons-nous, consciemment ou inconsciemment, être la normalité, le centre de la cité et imaginer que ce qui ne nous ressemble pas est divers par nature. Les confins, les barbares, on y revient toujours. « Issus de la diversité » – issus d’ailleurs ? –, c’est comme « en situation de handicap » ou « personne de couleur », c’est bien élevé mais un poil condescendant, vous ne trouvez pas ? ces euphémismes faisaient rigoler mon père qui me disait qu’un jour on ne parlerait plus des morts mais des « non-vivants ».
Revenons au sujet, à ce qui nous mobilise aujourd’hui. Notre société s’est transformée en une somme de « communautés » que nous essayons de comprendre et d’adresser. Les repères sont fluctuants, les strates de générations X, Y, Z, s’empilent à toute vitesse, les territoires se fragmentent, les origines culturelles s’entrelacent et se confondent dans l’émergence de nouvelles perceptions, de nouvelles attentes, de nouveaux langages. Le secteur de la communication qui se veut l’interface entre les marques, les entreprises, les organisations et leurs publics doit, plus que tout autre, cultiver les brassages, accueillir des talents différents, des parcours singuliers pour rester (ou redevenir) un creuset de création, d’imagination, d’ouverture au monde.
La diversité a été au cœur de notre industrie pendant des années. Le monde de la communication, de la publicité, de l’événementiel, s’est développé en accueillant des talents, issus de milieux artistiques, cosmopolites, des sciences humaines et des sciences dures, des diplômés d’HEC, des poètes et des ex-GO du ClubMed. Car le mot diversité vient, avant tout, de divertere en latin soit divertir. Littéralement « allant dans des directions opposées » d’où « opposé, contraire, hésitant ». Et n’est-ce pas la clef de notre travail de création ? Aller au bout de pistes différentes, confronter les possibles, douter, hésiter et en ouvrir de nouvelles encore ?
Gage de pertinence et de créativité
Si le sujet de la diversité est pour nos métiers une valeur tangible sur laquelle nous devons urgemment investir et nous bouger, ce n’est pas par bien-pensance. Il ne s’agit pas de revendiquer notre intérêt soudain à l’inclusion sociale et à la solidarité. Soyons sincères et pragmatiques. Claude Bébéar, porteur en 2004, avec l’Institut Montaigne, de la Charte de la diversité, avait très franchement évacué le sujet. Pour les entreprises, disait-il, « lutter contre la discrimination n'est pas affaire de compassion mais d'intérêts bien compris ». Notre intérêt rencontre l’intérêt de la société. Notre ouverture à la diversité, notre effort, disons-le, à fuir le clonage et l’entre-soi, est et sera un gage de pertinence et de créativité.
La commission RSE de l’AACC a ouvert ce chantier avec l’aide du Bureau des jeunes. La délégation publicité s’y attelle de son côté. C’est un projet pour l’ensemble de nos métiers qui sera porté collégialement. Nous avons là encore besoin d’audace ! Il nous faut oser de nouvelles formes de recrutement, chercher autrement, sortir des idées reçues et des parcours convenus. Nous avons tous à y gagner. Soyons curieux et courageux et laissons-nous transformer, régénérer, bousculer, bref ouvrons les portes et les fenêtres et allons voir ...
