Après avoir caressé le rêve de l’industrialisation, nos métiers de communication sont entrés dans l’ère de la désolation. Les révélations du compte Instagram @balancetonagency, dans le sillage des Lionnes, sont confondantes, dévastatrices. Et quand bien même elles ne seraient pas totalement fondées, elles en disent long sur le champ de ruines que sont devenues nos agences en matière de relations humaines. Et sur la violence de la bataille qui se joue derrière leurs promesses affichées.
Volontiers donneuses de leçons, et toujours promptes à «éclairer» le client, à lui vendre une petite campagne RSE par-ci, une prétendue raison d’être par-là, beaucoup d’agences en oublie l’essentiel : que l’individu est au centre de tout. Et avec lui le nécessaire respect qu’il lui est dû avec ses corolaires : droit à la dignité, au respect, à la bienveillance, à la responsabilité. Elles en oublient tellement l’essentiel qu’elles ont perdu le sens, la signification, l’objet de leur raison sociale. Jusqu’à ignorer, mépriser l’obligation morale de ce qu’elles promeuvent.
Réduites au diktat du profit (et encouragées en cela par l’«exemplarité» et le cynisme des groupes de communication pour qui ne prévalent que les indicateurs de marge brute), et à l’accélération du temps (qui s’accélère à mesure qu’il nous fait défaut selon Harmut Rosa), elles ont perdu le sens de l’autre, de l’équité, de la parité, de l’altérité et donc de l’essence même de leur métier.
À bout de souffle
Il est de bon ton aujourd’hui de gloser sur «le monde d’après», sur des «raisons d’être» complètement artificielles dont certaines agences font leur miel et surtout leur unique profession. Ne vaudrait-il pas mieux en revenir à nos fondamentaux. Il y a beaucoup plus à apprendre du côté de Marcel Bleustein-Blanchet, des frères Saatchi, de William Bernbach, de David Ogilvy… plutôt que de s’enliser dans la frénésie et le désordre qui règnent aujourd’hui et qui montrent clairement que les gourous autoproclamés n’en sont pas et que la plupart des agences sont à bout de souffle. À bout d’idées. À bout d’idéaux. Au bout du bout. La Covid-19 ne fera qu’accélérer la mise en valeur de leurs vacuités, de leurs confusions et précipiter leur disparition.
La communication n’est pas un métier tout à fait comme les autres, elle a ses spécificités. Pour autant, rien ne l’autorise à être hors-la-loi. Si elle ne veut pas purement et simplement être condamnée à disparaître, il est plus qu’urgent de nous appliquer les mutations qu’en son temps Kevin Roberts avait imposé au marché… et aux marques : en substance il est grand temps pour nous de renouer avec une culture de l’émotion, de la joie, du respect bien compris afin de resserrer nos liens et de créer de nouveaux contrats de confiance. Négliger cela c’est perdre aujourd'hui notre ADN, et demain nos clients.
Nous devons nous souvenir sans démagogie aucune que nos agences appartiennent à leurs clients et qu’elles doivent s’appliquer à elles-mêmes ce qu’elles recommandent et prescrivent. Et qu’à tout le moins elles doivent renouer urgemment avec l’éthique. La mutation trademarks - lovemarks que nous avons beaucoup vendue doit s’appliquer à nous-mêmes. Et donc plutôt que de courir après le profit coûte que coûte, il nous faut redevenir des acteurs inspirants, et passionnés.
L’Amour selon Kevin Roberts est un élément clé du succès des entreprises. L’Amour est d’essence humaine. Il nous ouvre la voie. Il doit bien évidemment reposer sur un consentement mutuel. Et nous aider à créer des Loves Agencies qui seront heureuses de contribuer au compte Instagram qu’on aimerait tant inspirer : @lovetonagency.