Tribune
La vague #MeToo et plus récemment le phénomène @balancetonagency doivent nous faire prendre conscience, nous, agences, des graves défaillances de notre secteur qu’il nous faut traiter avec détermination. Il en va de notre responsabilité morale et de notre attractivité.

En 2017, au début la vague #MeToo, j’ai fait face sur un plateau télé à quelque chose qui n’a toujours pas disparu : le déni des violences infligées aux victimes de harcèlement ou d’agissements sexistes. Et je me suis mis en colère.

Aujourd’hui, le phénomène @balancetonagency nous ramène encore et toujours à cette dichotomie entre les victimes et plusieurs porte-paroles des agences. Trop louvoient face à l’évidence, redoutent la « délation ». Si le phénomène n’est pas nouveau, il reste insupportable. Où sont les dirigeantes et dirigeants empathiques qui entendent ce que disent celles et ceux qui subissent ces violences dans leurs agences ? Qui choisira d’accueillir le désordre plutôt que de laisser prospérer l’injustice ?

Depuis plusieurs années, l'association COM-ENT s’engage pour faire évoluer les pratiques des agences : campagnes No More Clichés, regard sur les pratiques managériales, dispositif de médiation, mise en place d’une ligne anti-harcèlement. Ces jalons sont importants et structurants pour la profession. Mais ils ne suffisent pas. Nous devons aller plus loin, et plus vite.

Un mot sur la ligne d’écoute. Cette ligne, je la connais bien. J’en ai été l’instigateur au sein de COM-ENT. Elle existe depuis deux ans et est opérée par le cabinet spécialisé Éléas. C’est le 0800 100 334. Des agences et des associations en sont partenaires. Pour autant, sa vocation n’est pas de dédouaner ses structures contributrices pour renvoyer, une fois encore, les victimes au silence ou leur reprocher de « mal s’y prendre ». Cette ligne d’écoute ne saurait devenir l’instrument du dédain.

Examen critique

Au-delà de cette colère, les révélations qui se succèdent depuis deux ans, et en particulier ces derniers jours sur @balancetonagency, témoignent de graves défaillances qu’il nous faut traiter avec détermination. Si le harcèlement et les violences sexistes en constituent les versions les plus exacerbées, d’autres manquements sont pointés du doigt. Surcharge de travail, dysfonctionnements managériaux, immaturité des programmes de développement des compétences et déficit de sens constituent autant de critiques récurrentes des talents vis-à-vis des agences.

En tant que patronnes et patrons d’agences, ne cherchons pas à fuir notre examen critique : ces problématiques nous concernent tous et toutes. Bien sûr, elles s’expriment en raison de profils et de comportements individuels. Mais elles s’enracinent aussi dans des modèles économiques sous pression et des cultures d’entreprise permissives, où le cool précède le grave. Oui, ces dérives sont gravissimes. Pour ce qu’elles génèrent de souffrances individuelles au sein d’une jeune génération dont nous sommes responsables. Et pour l’atteinte réputationnelle que ces agissements font peser sur les agences dans leur ensemble.

La valeur des agences, ce sont les talents qui les constituent. Si les jeunes se détournent de nos agences en raison de cultures managériales violentes, cela fait peser un risque mortel sur nos métiers. Il s’agit de nous demander, chacun et chacune depuis son lieu et sa responsabilité, en quoi ces problématiques nous traversent aussi. Même si nous estimons nous comporter de manière responsable. Il convient de faire, peut-être, notre révolution culturelle.

En tant qu’organisation professionnelle, COM-ENT est un espace privilégié pour mener cet examen de conscience. Nous organiserons le 22 octobre une concertation entre les parties prenantes (étudiants, jeunes professionnels, dirigeants) pour identifier les freins au changement, construire et mettre en oeuvre un plan d’actions pour un progrès effectif et durable. C’est le chemin pour refonder nos pratiques et nous réconcilier avec notre avenir, dont les jeunes talents figurent la meilleure incarnation.

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