Tribune
Concurrencées comme jamais par les géants de la vidéo à la demande par abonnement, les chaînes télé doivent s'adapter en adoptant une approche hybride qui mêle à la fois la vidéo linéaire et le cross-canal.

Dans un écosystème digital en perpétuelle évolution, difficile de prédire l’avenir de la télévision et de la vidéo. Deloitte avait cependant vu juste en annonçant, dès 2018, que les plateformes de contenu en ligne viendraient bousculer le modèle existant. En 2020, la consommation du streaming a connu une croissance de près de 50%, Netflix atteignant à lui seul un record de 200 millions d'abonnés.

A mesure que les géants de l’abonnement gagnent des parts de marché auprès des consommateurs et passent du statut de fournisseur à celui de producteur de contenu, ils se positionnent inévitablement en concurrents directs des services de télévision linéaire et de vidéo à la demande existants.

Élargir sa palette d’offres

Les acteurs historiques de la télévision ont dès lors engagé la transformation de leur modèle pour mieux concurrencer les poids lourds du digital. En diversifiant leurs offres numériques, ils tentent de maintenir leurs audiences mais aussi de développer les connexions avec de nouveaux téléspectateurs sur le court terme (44% des utilisateurs continuent d'accroître leur consommation d’écran TV connecté), et ainsi de consolider leur position dans la chaîne de valeur sur le long terme.

Cela passe en premier lieu par la capacité à fournir un riche éventail de contenus, attrayants et de haute qualité. D'où le développement de marques propres spécifiques à la distribution sur les réseaux CTV, ainsi que la production de contenus exclusifs aux chaînes OTT (over-the-top) détenues et exploitées par la marque principale. Prenons l’exemple de France Télévisions, qui s’est diversifié en proposant différentes offres de télévision de rattrapage et de vidéo à la demande, avec ou sans abonnement, parmi lesquelles France.tv, Lumni ou encore Okoo et Culturebox par exemple.

La mise en place de ces dispositifs permet non seulement de proposer des offres thématiques à une audience plus diversifiée, souvent plus jeune, mais contribuent également à une diversification des revenus pour la suite. En ciblant ces nouveaux publics avec une offre exclusive sur le digital, il s’agit d’éviter de cannibaliser les offres historiques et de rattraper les audiences qui ont d'ores et déjà décroché des usages traditionnels.

Unifier son offre publicitaire

Mais, lorsqu’elle impacte l’industrie publicitaire, la fragmentation grandissante des usages et des offres de contenus qui en résultent soulève la question des silos. Les publicités «traditionnelles» et celles de la télévision connectée répondent à des enjeux business fondamentalement différents – communication de masse pour la télévision linéaire vs personnalisation publicitaire côté CTV – et pourtant complémentaires. L'exploitation des deux canaux est ainsi l’opportunité pour les chaînes de maximiser leur attractivité publicitaire et donc leurs revenus. Encore faut-il trouver la solution pour en harmoniser la commercialisation.

Typiquement, l'hétérogénéité des mesures et des systèmes de distribution a créé des obstacles majeurs à l'intégration de la publicité télévisée et linéaire. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les difficultés de forecasting et de packaging de l’inventaire disponible du côté des vendeurs, et la frustration des acheteurs qui souhaitent une vision exhaustive et une mesure unifiée pour permettre une gestion intégrée de leurs campagnes publicitaires. Pour les marques, cette simplification de l’achat média est en effet devenue une priorité et il est donc essentiel d’unifier l’accès aux inventaires linéaires et digitaux, et de poursuivre l’automatisation des transactions et de l’optimisation des performances.

Adapter les organisations

Le secteur dans son ensemble (fournisseurs de contenu, distributeurs, opérateurs, annonceurs, mesureurs...) doit encore trouver une solution pour harmoniser les différents modes de ventes, d’achat et de mesure des inventaires. Dans l’absolu, les chaînes ont besoin d'un set-up technologique qui leur permettra de répondre aux besoins du linéaire et du digital, et de choisir le ou les partenaires capables de centraliser la gestion de tous les types d’inventaires et de réconcilier les audiences sur les différents canaux de distribution (linéaire, direct, CTV, OTT ou encore VOD) mais également d’assurer la personnalisation du message publicitaire, d’en contrôler les répétitions (frequency capping) et d’en mesurer la performance.

Au-delà des adaptations technologiques, la transformation du média TV implique une meilleure collaboration avec les opérateurs téléphoniques pour l’exploitation des audiences et la diffusion de publicités personnalisées sur une zone géographique et un parc clients donnés. L’émergence de nouveaux business modèles nécessitera également une nouvelle organisation des régies publicitaires, et en premier lieu les forces de ventes, qui devront être capables de gérer la demande d’achats cross-device et cross-formats sur la télévision et sur le digital.

Le salut des chaînes de télévision réside dans leur capacité à adopter une approche hybride permettant de capter des audiences diversifiées en exploitant à la fois la vidéo linéaire et le cross-canal. De la diversification des contenus et des canaux à la commercialisation de cet inventaire publicitaire enrichi par le cross-canal, il reste à effectuer cette transition de manière efficace face à des nouveaux concurrents extrêmement agiles et agressifs. Investissements technologiques, acquisition de nouveaux savoirs et évaluation de l’impact du digital… : cette réussite commence inévitablement par une meilleure compréhension des conséquences de l'adoption du numérique par les consommateurs de contenu vidéo.

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