Un an après un livre choc sur la soumission chimique, que son père est soupçonné d’avoir imposé à sa mère pour la violer, Caroline Darian mène avec Havas Paris la campagne de mobilisation «#Mendorspas : stop à la soumission chimique». Elle nous en explique les dessous, aux côtés d'Arielle Schwab, directrice générale adjointe de l'agence.

Pourquoi avoir voulu alerter sur la soumission chimique ?

Caroline Darian : La genèse de cette histoire débute lorsque j’apprends en novembre 2020, par des officiers de la police de Carpentras, que ma mère est droguée depuis presque 10 ans par son mari, à son insu, dans le but de la violer et de la faire abuser par 83 agresseurs. Cette affaire a eu un vrai retentissement parce que c’est une instruction qui vient juste de se clôturer et le dossier a été renvoyé devant la cour criminelle du Vaucluse, qui jugera l'affaire l’année prochaine. Quand j'ai découvert ce cataclysme familial, je me suis très vite mise à écrire, ce qui a donné le témoignage littéraire Et j’ai cessé de t’appeler Papa, sorti l’année dernière aux éditions JC Lattès.

En l’écrivant, je me suis rapprochée de professionnels de santé, et en investiguant je suis tombée sur une enquête de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui, depuis 2003, recense le nombre de cas de soumission chimique. En discutant avec des experts de l’ANSM, j'ai rapidement pris conscience que c’est un fait de société très répandu qui dépasse largement le fait divers que nous sommes en train de traverser avec ma famille. J’ai donc voulu en faire une campagne de mobilisation et je me suis entourée d'experts pour la lancer, tels que l’agence Havas Paris, La Maison des Femmes de Saint-Denis, le collectif Prévenir et Protéger, ou encore le docteure Leila Chaouachi (experte de l’enquête nationale sur la soumission chimique auprès de l’ANSM).

Quelles ont été les différentes étapes de cette campagne de mobilisation ?

Arielle Schwab : Pour l’instant, le rôle principal que s’est donné le mouvement #Mendorspas, qui va devenir très prochainement une association, c’est de parvenir à sensibiliser différents publics, qui sont rarement ciblés de la même manière. D'abord le grand public, avec les victimes réelles ou potentielles de soumission chimique, mais aussi tous les autres professionnels qui jalonnent le parcours pour aider à la prise de conscience des victimes, de l’accompagnement de la plainte jusqu’au médical pour l’identification de diagnostic. On est vraiment sur un sujet qui n’existait pas avant le lancement de cette campagne. Il fallait être assez solide sur la crédibilité du mouvement.

Concrètement, cette campagne a pris la forme d’une alerte générale. On a sonné toutes les cloches dans les médias, avec par exemple la une du Parisien, la matinale de RTL qui a eu Caroline comme invitée. On a fait participer des égéries qui ont fait l’objet d’une campagne photo, réalisée par les photographes Géraldine Aresteanu et Patrick Gaillardin, avec un T-shirt solidaire, conçu en partenariat avec Vanessa Lipszyc, fondatrice de la marque de prêt-à-porter L’Uniforme urbain. La moitié des bénéfices sera d’ailleurs reversée à La Maison des Femmes de Saint-Denis, en soutien aux victimes de soumission chimique. On a aussi interpelé à la fois les pouvoirs publics mais aussi les professionnels de santé et de justice.

Avec le slogan #Mendorspas, qui porte l’ensemble du projet, on se positionne aux côtés des victimes, la tête haute. Le collectif a également conçu un logo, ainsi qu’un site internet de référence pour les professionnels de santé. Le mouvement #Mendorspas est déjà soutenu par de nombreuses personnalités issues du monde des médias, de l’art et de la culture, comme la chanteuse Olivia Ruiz, la comédienne Mélanie Page ou encore la journaliste Caroline Roux.

CD : On a aussi lancé une pétition le 9 juin, signée aujourd’hui par plus de 22 000 personnes. L’objectif est d’interpeler les pouvoirs publics pour leur dire qu’en tant que citoyennes, nous avons fait notre devoir, et que c’est désormais à eux de prendre le relais sur ce sujet.

Est-ce que vous prévoyez d’autres initiatives pour sensibiliser l’opinion publique ?

CD : Il faut savoir que dans cette première phase, tout le monde a travaillé à titre bénévole. Nous n’avons pas de budget. C’est pour ça qu’on va créer l’association pour pouvoir bénéficier d’aides publiques et pouvoir ainsi lever des fonds pour mener des actions d’envergure. La prochaine étape, c’est un spot publicitaire. On aimerait pouvoir donner encore plus d’impact au sujet, et on souhaiterait pouvoir le faire dès cet automne. Ce n’est pas parce qu’on a lancé cette première phase qu’on va s’arrêter là. Il va falloir redoubler d’énergie et de créativité pour continuer à maintenir ce sujet dans l’espace public et médiatique. C’est pour ça qu’on va avoir besoin des associations pour pouvoir mener des actions d’envergure de prévention et de sensibilisation auprès du grand public mais aussi auprès du corps médical.

Caroline, comment on transforme un drame personnel en une grande cause pour faire bouger les choses ?

CD : L’écriture du livre m’a beaucoup aidée ; je me suis rendue compte de la violence de ce qu’on traversait à titre personnel, mais aussi du fait que nous n’étions pas les seuls à la subir. Derrière ce livre, je savais qu’il y avait une question d’utilité publique. Alors je ne dis pas que ça m’aide à dépasser le drame, mais on apprend à vivre avec et à faire en sorte qu’il soit plus supportable au quotidien. Si cette histoire permet d’aider non pas une mais des centaines de femmes, j’ai envie de dire que la boucle est bouclée.

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