Environnement
Le Muséum national d’histoire naturelle et Lancôme font cause commune pour protéger diverses espèces végétales menacées, dont la Rose de France. Un partenariat qui illustre le virage stratégique entrepris par le Muséum pour valoriser sa marque.

Connue des Grecs et des Romains, commune dans les jardins du Moyen Âge ou encore choyée par Joséphine de Beauharnais, c’est peu dire que la Rose de France dispose d’une longue histoire. Et pourtant. Présente dans la nature en Europe mais aussi en Asie mineure, Rosa gallica -pour les intimes- se porte mal. Au point de figurer sur la liste rouge européenne de l’UICN et de disposer d’une protection réglementaire sur l’ensemble du territoire métropolitain. Face à ce constat alarmant, deux soutiens de poids volent au secours de la belle : le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), institution séculaire au rayonnement international, et Lancôme, fleuron du luxe à la française. À la clé, un partenariat de trois ans porté par le Muséum et mis en œuvre par le Conservatoire botanique national du bassin parisien (CBNBP), l’un de ses services scientifiques.

Porte-étendard

« Ce projet de conservation vise à renforcer ou réintroduire en milieu naturel des espèces végétales menacées grâce aux graines collectées et placées en banque de semences, tout en gérant et restaurant les habitats qui les accueillent », synthétise Sylvie Apollin, directrice du développement au sein de la direction générale déléguée aux ressources du MNHN. Parmi ces espèces en danger, une attention toute particulière sera portée à la Rose de France. Un choix qui fait sens à plus d’un titre pour la griffe du groupe L’Oréal. « Cela répond à une forme de cohérence pour une marque qui travaille quotidiennement ses propres fleurs et plantes à parfum, et dont l'emblème est la rose depuis plus de 85 ans », souligne Annie Black, directrice scientifique de Lancôme, en référence à un « porte-étendard » s’inscrivant dans le cadre du programme de développement durable de Lancôme, baptisé « Ensemble, prenons soin de notre avenir ». Côté MNHN, ce partenariat, doté de moyens « importants », coche également toutes les cases. Mieux. Il illustre à bien des égards le virage pris ces dernières années par l’établissement, placé sous la tutelle administrative des ministères de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et de l'Environnement.

Dans le sillage de l’arrivée de Bruno David à sa présidence fin 2015, « le Muséum a structuré sa politique de marque avec pour objectif de diversifier ses sources de financement », retrace Sylvie Apollin, en écho à un changement de dimension -103 millions d’euros de recettes en 2019 contre 88 millions un an plus tôt- dans lequel la part des ressources propres est amenée à croître. Une mission d’autant plus prégnante que la crise sanitaire a affecté le Muséum. La fréquentation de ses sites s’est érodée de plus de moitié l’an passé, après un exercice 2019 où les recettes avaient bondi de 19,4 à 24,9 millions. « La location d’espaces a aussi été touchée », complète-t-elle. Pour autant, le Muséum ne compte pas brader sa renommée ou son éthique. « La mission du MNHM s’articule autour de cinq axes majeurs : recherche, expertise, enseignement, conservation et diffusion », rappelle à toutes fins utiles la directrice du développement. Outre la nécessaire indépendance à préserver vis-à-vis des entreprises, il s’agit de « valoriser la marque sans la dévoyer », appuie celle qui en veut pour preuve les outils développés ces derniers mois. À débuter par la plateforme née pour favoriser les dons individuels, « en plus des projets spécifiques financés via les plateformes comme KissKisBankBank ou Ulule ». Mais c’est aussi et avant tout sur le volet BtoB que le Muséum met l’accent. Le mécénat, « peu touché par la crise », monte en puissance et joue même la carte de la personnalisation (voir hors texte). « Le dîner de gala, qui s’adresse aux entreprises, représente encore un autre format », abonde Sylvie Apollin.

Agent de licence

« En parallèle, le Muséum s’est doté d’un agent de licence », précise-t-elle au sujet d’une stratégie qui commence à porter ses fruits. Coconception de bougies ou encore contribution scientifique à la création d’une recette de kéfir distribuée chez Biocoop, la marque MNHN veut étendre son influence dans les années à venir. « Cette valorisation devient un réflexe », confirme Sylvie Apollin. Sans omettre de citer la volonté de « densifier les prises de parole sur les sujets de société en lien avec la science », de « soigner la communication institutionnelle avec un prisme recherche mis en avant via des podcasts par exemple », ainsi que d’« amplifier la communication digitale à travers la livraison d’un nouveau site cet été ou l’arrivée d’un directeur des contenus numériques ». De là à parler de géant ensommeillé ? « En termes de potentialités, le Muséum dispose d’une marque extrêmement puissante et d’un ancrage patrimonial incontestable », confirme-t-elle. Deux points communs avec la Rose de France.

Mécénat sur-mesure

 Entre le MNHN et le mécénat, les attaches ne sont pas neuves, à l’instar de soutiens récurrents parmi lesquels on retrouve la Fondation Engie ou le Crédit Agricole. Mais l’établissement, dont les ressources générées par le mécénat ont augmenté de 75% entre 2018 et 2019, veut encore accélérer en la matière. En complément du mécénat direct, le MNHN lance le Fonds de dotation Muséum pour la Planète, offrant l’opportunité de soutenir durablement -et sans limite de montant- l’un des quatre axes du fonds (biodiversité et recherche, jardins et patrimoine, collections, pédagogie et société). « Une forme de mécénat plus personnalisée », pointe Sylvie Apollin, celui-ci permettant aux donateurs d’accéder à un certain nombre de privilèges. À commencer par un sous-fonds nominatif. « À partir d’une promesse de don de 10 000 euros, il est possible de créer un sous-fonds à son nom ou à celui d'une personne chère, et d’orienter les revenus du don vers l'un des quatre axes du fonds », explique-t-elle. Au-delà de 200 000 euros, le sous-fonds nominatif peut même héberger un projet défini par le donateur, « en cohérence avec les axes thématiques du fonds ». Un concept qui séduit. Sans avoir réellement communiqué, le MNHN a déjà enregistré deux dons « conséquents », l’un émanant du joaillier de luxe Van Cleef&Arpels.

 

 

Chiffres clés

13 Nombre de sites du MNHN sur le territoire français (comprenant cinq musées, six jardins botaniques, trois parcs zoologiques, un marinarium ainsi que plusieurs centres de recherche)

2685 Nombre d’agents travaillant sur les sites du MNHN (dont plus de 570 chercheurs)

1,4 million Fréquentation annuelle 2020

3,33 millions Fréquentation annuelle 2019

103 millions d’euros Recettes 2019 (dont 49 millions de ressources propres)

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