Deux ans après le scandale de la salmonelle, Ferrero revient sur le devant de la scène avec une campagne corporate. Une première pour le groupe piémontais qui entend rappeler ses origines tout en dosant sa prise de risque. Les détails avec Fausto Rotelli, directeur des relations extérieures de Ferrero France.
Pourquoi cette première campagne corporate et pourquoi maintenant ?
Fausto Rotelli. C’était dans nos esprits de communicants au niveau mondial depuis plusieurs années, je dirais même depuis mon arrivée dans le groupe en 2020. C’était un souhait de communiquer sur les valeurs du groupe. Aujourd’hui, nous véhiculons certains messages à la télévision sur nos marques. L’histoire du groupe est très ancrée jusqu’à ma génération mais pas autant chez les nouvelles. Cette année marque aussi les 60 ans de Nutella : c’était le bon moment pour nous de communiquer.
Est-ce une réponse à la crise de 2022 [déclenchée par un rappel de produits Kinder à grande échelle], afin de redonner de la confiance aux consommateurs ?
Il n’y a pas de lien avec la crise Kinder de 2022, qui a été gérée jusqu’en 2023. Depuis, nous sommes revenus au niveau précédent en termes à la fois de popularité, d’image et de ventes. La crise est totalement derrière nous.
Avez-vous aussi une problématique d’attractivité ?
D’un point de vue marque employeur, l’objectif est toujours d’attirer les meilleurs candidats, mais ce n’est pas chez moi donc je ne pourrai en parler que partiellement. L’idée est d’aller sur l’ensemble de la communication extérieure du groupe et de trouver ce qui fait notre ADN. Nous sommes un groupe familial, à la troisième génération, qui ne cesse d’innover différemment d’une génération à l’autre. Nous sommes nés dans une petite pâtisserie à Alba, une petite ville à 1 h 30 de Turin. De là, le groupe a émergé grâce à la qualité de ses produits et de ses ingrédients, d’où le nom de notre campagne « La Qualité au cœur ». C’est ce que nous perpétuons dans l’ensemble de notre démarche, que ce soit sur les matières premières, le développement produit ou encore les recettes, le tout au travers de nos marques, Tic-Tac, Nutella, Kinder…
Quels sont, concrètement, les engagements mis en lumière dans cette campagne ?
Nous tenions à rappeler que nous sommes un groupe familial. Contrairement à un groupe coté, cela nous permet de mieux affronter les crises comme de mieux vivre les périodes de reprise. Nous sommes la plus normande des entreprises italiennes : nous sommes présents en Normandie depuis 61 ans avec aujourd’hui près de mille collaborateurs.
Deuxième thématique abordée : la durabilité des approvisionnements responsables, à la fois sur l’huile de palme, le cacao, la noisette… Concernant l’huile de palme, le mois dernier, l’association WWF a publié sa scorecard [fiche d’évaluation qui mesure les performances d’entreprises sur l’approvisionnement en huile de palme durable], où nous arrivons en deuxième place, avec une amélioration de notre note par rapport à l’an dernier.
Par ailleurs, nous nous sommes engagés à réduire de 43% nos émissions par tonne de produits. Nous avons retravaillé l’épaisseur du plastique des emballages des Kinder Bueno pour gagner 23% de plastique en moins. À Paris, nos livraisons pour Monoprix, Franprix, Carrefour… sont effectuées par péniche depuis Rouen. En plus de tester les livraisons par camion électrique, nous avons revu la façon de charger nos camions nous permettant de retirer des routes à peu près 1 000 véhicules par an. Dernier point abordé, l’innovation.
D’un point de vue créatif, la prise de risque semble limitée dans cette campagne…
Nous sommes là pour apporter plus d’explications et dire ce que nous faisons. Malheureusement, en 20 secondes, c’est très court, surtout pour des communicants corpo qui ont l’habitude de parler pendant des heures et d’écrire des pages et des pages. La prise de risque, elle y est toujours, notamment sur un marché comme la France.
Qui ciblez-vous avec cette campagne ?
Le plus grand nombre. D’un côté, il y a naturellement les jeunes qui ne connaissent pas l’histoire et l’approche du groupe. Même si notre politique de marketing responsable nous impose de ne pas communiquer avec les moins de 13 ans, c’est d’ailleurs pour cela que nous ne sommes pas présents sur TikTok. De l’autre côté, l’objectif est de partager la campagne avec les leaders d’opinion, les responsables RSE et vous, les journalistes. En termes de marchés, la France est le deuxième pays après le Royaume-Uni où elle est déployée. L’Europe au sens large reste un marché clé pour le groupe, bien qu’il soit dépassé par les États-Unis.
Comment ce nouveau discours corporate va-t-il s’articuler avec celui sur les marques ?
La télé reste le terrain des marques mais je n’exclus pas la possibilité d’avoir une pub de marque multi-produits en télé un jour puisque nous avons développé le concept de la power brand (une marque qui se décline sur plusieurs secteurs avec plusieurs produits). Mais pour le moment ça n’est pas à l’ordre du jour et j’avoue que je ne vois pas la possibilité aujourd’hui d’une pub corporate en télé.
Est-ce que cette mise en lumière corporate s’accompagne d’un changement de la politique en matière de RP ?
Il faut savoir que les Piémontais ont tendance à peu communiquer et malgré les gènes piémontais du groupe, en France, l’approche marché est différente : on reste sur une approche plus présente que dans d’autres pays.
C’est quoi la spécificité du marché français là-dessus ?
Il y a toujours plus de polémique en France par rapport aux autres pays et en tant que communicant, si vous ne le savez pas c’est que vous êtes un très mauvais dircom. Par conséquent, il faut porter ce message de façon plus forte.
Avez-vous musclé les équipes de communication corporate pour porter le projet ?
J’aurais bien aimé (rires) mais non, le département corporate est resté le même.
À l’avenir, souhaitez-vous établir une raison d’être, devenir entreprise à mission ?
Il y a déjà une mission au niveau du groupe : apporter des moments de plaisir et de partage…
Vous allez formuler cela en tant que raison d’être ?
Encore une fois, nous avons la chance d’être un groupe familial et le fait de porter ces valeurs pour l’ensemble des salariés, c’est déjà une mission. Par ailleurs, nous travaillons sur une certification avec l’Afnor.
Chiffres clés
47 000 Nombre de salariés du groupe Ferrero.
17 milliards d’euros Chiffre d’affaires au 31 août 2023 (soit 20,7% de croissance par rapport à 2022-2023).