On les dit hyperconnectés. Mais les 18-24 ans font une overdose de la surabondance des notifications que leur envoie leur smartphone. Ils veulent au contraire redevenir maître de leur temps.
On impute souvent aux jeunes générations d’être hyper, si ce n’est trop, connectées. En 2023, les 18-24 ans passaient presque 5 heures par jour sur leur smartphone et le manipulait, en moyenne, 221 fois par jour. Face à des chiffres aussi vertigineux qu’éloquents, le verdict semble clair : la GenZ est accro à son téléphone. Addiction, aliénation, fuite du réel… Voici les maux dont elle serait victime. Si la métaphore de la laisse - qui, de l’usager ou du smartphone, «tient» l’autre ? - se veut représentative de cette dépendance au téléphone, qu’en est-il réellement ?
Malgré ce qu’on pourrait penser, entre GenZ et smartphone, une forme d’overdose est en train de s’installer. La raison ? Alors que réseaux sociaux et messageries se multiplient sur leurs écrans, la surabondance de notifications génère en eux anxiété et épuisement technologique. «6 appels manqués, 18 DM insta, 36 notifs WhatsApp, 58 mails non lus… Si t’es phobique des notifs, tape dans tes mains», s’amuse un post Instagram qui, loin d’être anodin, est bel et bien symptomatique de cette nouvelle angoisse contemporaine qu’est celle de la petite bulle rouge.
Une véritable névrose sociale est alors en train de se développer face à l’impossibilité de répondre qualitativement à tout. On voit se dessiner un nouveau schéma : des notifications qui s’accumulent, le sentiment de se sentir dépassé, une incapacité à suivre le rythme. Pourtant, dans une société qui valorise plus que jamais la communication, être connecté est devenu un devoir, un impératif. Alors, face à cette texting anxiety, les notifications les culpabilisent, se positionnant comme les rappels constants d’un contrat social non respecté.
La GenZ en mode «Ne pas déranger»
En réaction à cette pressurisation, la GenZ déploie une multitude de stratégies-boucliers qui signalent son besoin de protection : fixation de limite d’apps et de temps d’écran, masquage fréquent des notifications, utilisation massive de la fonctionnalité «ne pas déranger», mise à distance physique du téléphone en le posant face retournée… Un rejet qui se matérialise même, pour les plus radicaux, par l’achat de dumbphones – téléphones à clapet et autres Nokia 3310.
Conséquence directe de cette distanciation ? Les jeunes générations ne répondent plus aux messages ou, du moins, beaucoup moins rapidement que leurs ainés. En effet, il n’est pas rare qu’ils disparaissent des sphères digitales pendant plusieurs jours. Pour preuve, le temps d’écran des réseaux sociaux a chuté de 13,3% en un an chez les 18-24 ans.
Redevenir maître de son temps
Bien entendu, si le smartphone est loin d’avoir glissé un premier pied dans la tombe, la GenZ entretient avec un rapport de plus en plus ambigu. Derrière ces phénomènes de distanciation, elle exprime une volonté : celle de reprendre le contrôle. Si les médias et travaux universitaires portent trop souvent «une vision techno-déterministe qui tend à négliger l’importance des usages», elle ne subit donc pas, bien au contraire, et refuse l’asservissement qu’on lui prête parfois.
Cela s’explique notamment par l’idéal libertaire dans lequel elle s’est construite. «Notre société post-moderne repose sur la liberté de l’individu qui souhaite s’organiser comme bon lui semble», explique Catherine Lejealle, sociologue spécialiste du digital. Le problème n’est alors pas tant la réception de la notification que l’interruption qu’elle occasionne dans leurs vies.
Quand la GenZ se veut maître de son temps, la notification est donc vécue comme suspensive et intrusive. «Je veux choisir quand je consulte mon téléphone et quand je suis disponible», témoigne Maxence, 22 ans. Plus globalement, alors que la vie digitale est de plus en plus déterminée par les algorithmes, distancer son smartphone représente un moyen de reconquérir son libre-arbitre, essentiel pour cette génération qui se veut donc en droit de choisir par et pour elle-même.